Il n’y a pas de mort, il n’ y a que la vie

Un jour, je reçus une patiente qui était venue me demander un diagnostic.
Le diagnostic que mon guide Alcar me transmit alors fut le suivant: “Il n’y a rien à faire mais tu peux la soulager.”
“Comment le lui dire?” me demandai-je. Mais elle interrompit mes pensées en disant:
“Je sais ce que vous allez me dire.”
Je la regardai: était-elle consciente de son état?
“Les médecins ont abandonné tout espoir, cela doit vous suffire,” dit-elle.
Je fus bouleversé par son courage: admettre ainsi sa maladie et accepter son destin était exceptionnel.
Il fallait du caractère et de la force pour cela.
Elle me demanda ensuite: “Pourriez-vous me soulager un peu cependant?”
Je me demandai si elle n’était pas clairvoyante ou clair-entendante, car elle avait non seulement reformulé mon diagnostic mais aussi mes pensées.
Elle devait être sensitive et extrêmement sensible.
“Je ne peux pas vous rendre votre santé mais le traitement vous soulagera sans doute,” lui répondis-je.
La patiente accepta le traitement, mais au bout de deux mois déjà, je dus me rendre chez elle. Il était trop fatigant pour elle de venir jusque chez moi,
et son état empirait de jour en jour.
Je lui racontai que mon premier livre allait être édité et elle fut la première à le commander.
Je fus alors extrêmement surpris d’entendre mon maître dire: “Elle ne le lira plus!”
Ses paroles avaient été brèves et nettes,
et j’en conclus qu’elle allait bientôt passer, car mon livre devait être édité deux mois après.
Le message d’Alcar était étonnant: il concernait cette patiente avec qui je m’étais lié d’une profonde amitié.
Je ne doutai pas une seconde des mots que mon maître m’avait transmis. Bien évidemment, j’en n’en dis rien à ma patiente.
Jeanne, c’est ainsi qu’elle s’appelait, était convaincue d’une continuité de la vie après la mort, et nous avions souvent de longues et délicieuses discussions à ce sujet.
Elle me parlait souvent de sa vie, puis revenait toujours à la vie après la mort. C’était intéressant,
et je découvris en elle une forte personnalité.
Elle était ouverte d’esprit car elle s’était appropriée de bonnes forces durant sa vie.
Lorsqu’elle en parlait, elle ressemblait à une petite fille malgré sa cinquantaine passée.
Intérieurement, elle portait un grand trésor. Elle était simple et pleine d’amour pour tous. Elle était douce aussi, et toujours prête à aider tous ceux qu’elle rencontrait.
“On ne peut jamais savoir,” disait-elle, “à quel point on aura un jour besoin d’eux. J’en ai toujours tenu compte.”
Elle me dit un jour: “Lorsque je serai arrivé dans l’au-delà, je te rendrai visite depuis cet autre monde.
Tu pourras me voir, n’est-ce pas?
Tu ne penses pas?”
Je ne dis rien et souris en me demandant: “Comment se fait-il qu’un être humain, un malade, puisse avoir de telles pensées?”
“Ne rigole pas, je reviendrai sur terre,” poursuivit-elle.
“Cela te rendrait heureux Jozef?
Imagine comme cela doit être beau et merveilleux de pouvoir le vivre.
Mais seulement si cela m’est permis, car on ne peut pas faire tout ce que l’on veut.
J’ai suffisamment lu à ce sujet et j’en sais long. Je sais que certains problèmes se posent.
Combien sont-ils à dire qu’ils reviendront alors qu’on ne les voit pas et qu’on ne les entend pas?
D’autres, par contre, se manifestent auprès de leurs proches pour dire qu’ils sont vivants et heureux.
Oui, la vie doit y être merveilleuse.
Les gens devraient s’y intéresser davantage, mais la plupart d’entre eux en on peur.
Quel bonheur ce doit être de vivre là-haut en sachant que nous sommes en vie, tout en nous rappelant notre vie sur terre, n’est-ce pas?”
“Oui, c’est merveilleux et cela nous rend heureux,” lui répondis-je.
“On doit avoir bien accompli sa vie, autrement ce n’est pas possible.
Qu’en penses-tu?” me demanda-t-elle.
“Je pense exactement comme toi,” lui dis-je. Mais mes pensées étaient ailleurs.
Les paroles que j’entendais étaient admirables, et les gens feraient bien de prendre exemple sur elle.
Je connaissais des malades qui n’avaient pas de maladie grave et craignaient pourtant la mort.
Jeanne parlait de la mort comme d’un ami véritable. En elle, il y avait une grande force et celle-ci était due à sa croyance en une autre vie.
“C’est comme tu dis,” poursuivis-je.
“On doit porter intérieurement la force de revenir sur terre.
Il n’est pas donné à tous, en arrivant dans cette autre vie, de se connecter avec les hommes sur terre.
Il faut braver de grandes difficultés, et cela s’apprend.
Il y a des lois, Jeanne, on doit avoir de grandes possessions spirituelles, autrement dit: de l’amour pour toute la vie que Dieu a créée.
C’est pour cette raison que beaucoup ne peuvent pas revenir, car ils ne se connaissaient pas.
Ils vivent dans la sphère terrestre mais ils ne possèdent pas et ne connaissaient pas les forces requises pour atteindre l’homme matériel.
Ils errent dans notre environnement et attendent douloureusement le moment de pouvoir être connecté.
Cette situation est terrible, et la vivre ainsi implique beaucoup de souffrance, de douleur et une lutte.
Ils pensaient que leur vie spirituelle ressemblerait à leur vie terrestre mais ce n’est pas vrai.
Cela dépend du rayonnement que chacun possède, de son amour, de sa personnalité autrement dit.
Il y a des personnes dans l’au-delà qui ignorent qu’ils sont décédés.
Tu comprends à quel point ces gens sont éloignés de la vérité.
Ils doivent d’abord accepter le fait qu’ils ont quitté leur corps terrestre, et cela leur est très difficile.
Si seulement les gens savaient à quel point la vie dans l’au-delà est naturelle, réelle et humaine. Ils changeraient leur mode de vie et voudraient apprendre à se connaître.
Ils mènent une vie terrestre et matérialiste, ce qui les empêche de se connecter avec les hommes sur terre une fois arrivés dans l’au-delà.
Ils recevront cependant de l’aide: les esprits élevés sont là pour ça.
Ce sont eux qui accompagnent ces personnes sur terre afin de les mettre en contact avec leurs proches.
Car se connecter par ses propres forces exige une grande possession spirituelle.”
“C’est triste tu trouves pas, Jozef, d’ignorer sa propre mort sur terre.
Cela me semble horrible.”
“C’est vrai, Jeanne, cela témoigne d’une pauvreté spirituelle.
Cela concerne les personnes qui se sont oubliées et qui n’ont jamais songé à la continuité de la vie.”
“J’ai de la chance alors, Jozef, parce que j’en sais déjà beaucoup et je n’ai pas peur de la mort.”
Jeanne était absorbée par ses pensées et poursuivit à voix basse.
“Pourquoi? Comment se fait-il que les gens ne veuillent pas être convaincus?
Ils tremblent dès lors qu’ils entendent parler de la mort, alors que ça peut être si beau.”
“Qu’est-ce qui peut être beau, Jeanne?”
“Je pensais à ce monde.
Il pourrait être tellement beau si les gens savaient, oui, s’ils savaient qu’ils continuent à vivre et commençaient à syntoniser avec cette autre vie.
Il n’y aurait pas autant de souffrance et il y aurait du bonheur, un bonheur grand et puissant pour chacun. Ils ne tueraient plus leur prochain et ils aimeraient tout ce qui vit.
Voilà comment je m’imagine la terre et à quoi je pensais.”
Jeanne défendait le bien.
Elle exprimait mes propres pensées car je voulais donner tout ce que j’avais pour atteindre ce but.
Oui, la terre serait alors belle, et tous deviendraient comme des enfants de Dieu.
“J’ignore où je vais arriver,” dit Jeanne, “j’ignore si je possède de la lumière ou de l’obscurité, mais je sais une chose: je n’ai jamais été quelqu’un de mauvais.
Je n’ai jamais fait de mal à personne, délibérément je veux dire.
Lorsque les gens parlaient de moi ou me mettaient en colère, je prenais toujours distance et les laissait faire.
On reste soi-même dans ces cas et ils n’ont aucune prise sur vous car vous restez au-dessus.
C’est ma mère qui me l’a appris.
Elle était courageuse, sage et sensible.
Ceux qui ne savent pas se maîtriser doivent l’apprendre,
mais c’est difficile. Ils passent la moitié de leur vie à essayer et n’y arrivent toujours pas.
Ils se fâchent pour un rien, alors que nous ne nous fâcherons pas dans l’autre vie, car seule la paix règne là-bas.
Si ce n’était pas le cas, la vie n’aurait aucun intérêt.
Non, Jozef, je n’ai jamais été mauvaise ou de mauvaise foi,
mais un être humain pèche sans s’en rendre compte, n’est-ce pas?
Parfois il s’agit de péchés très graves que nous devons réparer.
Dieu connaît sans doute l’endroit où j’irai.
Chacun voit la lumière et reçoit la place qui correspond à sa vie vécue.
On choisit soi-même sa place dans l’au-delà.
Voilà comment je sens les choses.
C’est ainsi, n’est-ce pas, Jozef?”
“Oui Jeanne.”
Je me demandais d’où venait cette sagesse chez elle.
Je poursuivis: “Dieu connaît tous les hommes.
Personne ne peut se cacher
car aucun mur ou coffre fort n’est assez épais.
Il voit à travers et connaît tous Ses enfants.”
“Je trouve tellement agréable de parler de ces choses avec toi. Ce sujet ne m’ennuie jamais, et je pourrais en parler longtemps sans m’arrêter,
car je me sens alors vivante et mon sang coule plus vite.
Ma mère disait toujours: “Il faut regarder la vie droit dans les yeux et ne pas avoir peur lorsque les choses ne se passent pas comme on veut.”
Oui, ma mère était quelqu’un de raisonnable.
Oh, je n’ai pas peur de la mort, même si je devais commencer ce voyage vers l’inconnu dès demain. Le plus tôt sera le mieux!
Il n’est pas si agréable de vivre sur cette terre!
Nous travaillons jour et nuit et n’avons jamais la paix. Nous sommes en permanence entourés de misère.
Dans ma vie, il y a eu peu de soleil
et j’ai vécu de longues années dans le regret de ne pas avoir pu faire certaines choses qui, visiblement, ne m’étaient pas destinées.
La volonté de Dieu doit être faite
et on n’y peut rien changer.
À cette époque, je pensais sans cesse aux paroles de ma mère: “Accepte mon enfant, et prends les choses comme elles viennent parce qu’elles pourraient être mille fois pire encore.”
Je l’ai également appris: ma mère disait la vérité.
Lorsqu’on regarde les autres, on ne veut pas échanger notre misère pour tout l’or du monde.
La souffrance et les problèmes des autres dépassent souvent les nôtres.
Nous devons porter notre croix, et personne ne peux nous y aider,
n’est-ce pas, Jozef?”
“Tu es courageuse, Jeanne, très courageuse,” répondis-je.
“Les gens comparent sans cesse leur vie aux autres, mais s’ils savaient ce que les autres portent, ils ne voudraient plus être à leur place,” poursuivit-elle.
Ils seraient aussitôt guéris.
La plupart des gens montrent leurs problèmes à tout le monde, ce que je n’ai jamais fait.
Tout le monde doit être au courant, où qu’ils aillent ils racontent leur misère,
alors que personne ne peut les aider.
Ils doivent surmonter seuls leurs problèmes, et tant mieux, sinon, les uns se reposeraient sur les autres
et certains vivraient sans qu’ils aient appris quoi que se soit.
Lorsqu’on sait tout sur quelqu’un on se rend compte de son bonheur, et tout paraît soudainement supportable. Le poids des choses diminue
et on ne se plaint plus pendant un certain temps.
Alors, le soleil brille. Il brille si peu dans une vie humaine.
Il y a des moments où on pense que c’est fini, puis un instant plus tard on est assailli et dépassé par de nouveaux problèmes, et on recommence à se tracasser.
Ma mère disait: “Nous sommes ici pour apprendre, et tout ce que nous avons appris ne sera plus à refaire une fois que nous vivrons auprès du Seigneur.”
N’était-elle pas raisonnable, Jozef?”
“Très raisonnable, Jeanne,” lui répondis-je.
“Dans ma vie,” continua-t-elle, “j’ai toujours été ainsi.
Je n’ai jamais su comment faisaient les autres car je n’ai jamais eu beaucoup d’amis.
Lorsque le soleil brillait, je savais en profiter.
Je savais que des nuages sombres ne tarderaient pas à revenir et à obscurcir la lumière.
La vie de ma mère est meilleure là-haut que sur terre, car c’était quelqu’un de bien.”
“Ta mère est un grand sage, Jeanne.”
“Oui, c’est vrai; elle a aidé beaucoup de monde, des riches et des pauvres.
Elle n’était pas savante mais elle avait beaucoup d’expérience.
Je ne sais pas d’où elle sortait tout ça mais elle avait toujours de très bons conseils pour tous et avait une réponse à chaque question.
Je pense que j’ai beaucoup hérité d’elle, si c’est possible du moins.
Je lui ressemble. Certains aspects de mon caractère sont identiques aux siens.
Pour elle, la mort n’était pas la mort.
Elle disait: “On commence alors à vivre pour de bon.”
“C’est une grande richesse de penser ainsi, parce que la vie paraît alors plus facile,” dis-je.
“C’est cette grande confiance que nous devrions tous avoir. Après, tout va tout seul.”
“Lorsque ma mère est décédée, Jozef, j’étais la seule à pouvoir maîtriser mes larmes,
tandis que mes frères et sœurs étaient accablés et comme brisés.
Je considérais sa mort comme une loi et disais: “Nous la reverrons!”
Mais ils n’étaient pas aussi croyants que moi et n’avaient pas confiance.
Pour eux, il s’agissait d’une perte immense, pour moi d’un simple au revoir.
Oui, continua Jeanne, pensive, il est vrai que ce voyage est grand et que nous partons loin, très loin de la terre, mais en même temps nous sommes si près.
Il faut en être convaincu, autrement cela ne nous dit rien.
Ce moment viendra pour chacun et il faut alors faire ses valises.
Ses paroles me firent, rire mais elle reprit aussitôt: “On a pas beaucoup de choses à emporter!
C’est le voyage le moins cher que l’on puisse faire, c’est le plus long aussi.
Oh, je pense souvent à tout cela, et j’ai parfois des pensées étranges ou des rêves la nuit.
Je me dis par exemple, que certains doivent passer par des hauts et des bas et voient des paysages très beaux et très différents de ceux que nous voyons ici, dans notre pays.
Ils s’en réjouissent, à condition qu’ils ne soient pas trop nerveux. La plupart sont sans doute un peu perdus et anxieux de voir ce qui va arriver.
J’ai vu des voyageurs et je les ai suivis les uns après les autres.
Parmi eux, il y en avait qui refusaient carrément de partir.
Ils rouspétaient mais on les poussait dans le train, à la rencontre de l’inconnu.
D’autres encore étaient très tristes, et cette tristesse était due au fait qu’ils laissaient beaucoup d’amis et de bien-aimés derrière eux.
Ceux qui avaient beaucoup d’enfants, notamment, ne voulaient pas partir, parce qu’ils devaient les abandonner.
J’ai vu des gens se comporter comme des sauvages. Ils s’opposaient à ce voyage.
C’était si inattendu, vois-tu?
Ils préféraient rester chez eux, avec leur verre de vin et toutes ces choses-là.
Leur vie ici était confortable et je peux le comprendre.
Qui voudrait partir pour des régions inconnues quand la vie à la maison est bonne?
J’ai toutefois vu des gens partir et faire leurs valises sans réfléchir,
comme ma mère par exemple.
Elle nous a salués et elle est partie.
J’espère pouvoir partir comme elle,
car elle est partie en silence. C’était si beau, si merveilleux.
On aurait dit qu’elle était portée dans le train.
Il faut dire qu’elle languissait de pouvoir y aller. Je sais que de nombreux êtres l’ont accompagnée.
Je ne les voyais pas mais je sentais leur présence.
D’autres partaient sans avoir pu dire adieu.
Ils étaient partis longtemps avant que leur famille ne l’apprenne, choquée et attristée,
oui, profondément attristée.”
“Trouves-tu que je parle trop, Jozef?” demanda-t-elle soudain.
“Pas du tout, Jeanne.”
“N’oublie pas que je n’ai personne à qui parler de tout cela,” dit-elle.
“Les gens en ont peur et je pense à tellement de choses, seule dans mon lit.
J’ai vu partir des gens qui devaient affronter des tunnels sombres que je voyais déjà de loin.
Je me disais alors: “Comme vous allez souffrir.” Parce qu’il n’y avait pas d’autre chemin et ils devaient le traverser.
Les choses dont je te parle te paraissent-elles bizarres Jozef?
“Non, Jeanne, je trouve cela merveilleux.”
“Je ne t’ai pas dit le plus étrange:
parfois je rêve, et je vois alors les gens partir en voyage devant moi, et je me rappelle à chaque fois de ces rêves.
Oui, je connaissais beaucoup de personnes parmi ceux qui partaient.
Parfois, j’apprenais leur décès quelques jours après. Je me suis souvent demandé s’il y avait un lien avec mes rêves.
C’est pourtant impossible.
Qu’en penses-tu?”
“Je vais te dire ce que j’en pense.
C’est tout a fait possible,
et dans ce cas on parle de rêves imposés.
Tu reçois ces rêves des esprits.
Je sens et vois que cela doit être vrai.
Le fait que tu aies vu partir de nombreuses personnes partir en voyage signifie qu’on voulait te prévenir et t’en faire part pour que tu le vives.
Ces rêves sont étranges, tu aurais dû les mettre noir sur blanc.”
“Parmi ceux que j’ai vu partir, il y avait des membres de ma famille, et cela m’a fait très peur.
Quand le moment viendra pour moi de partir, j’espère arriver dans les montagnes, parce que je les aime beaucoup.
Je grimperai au sommet, et je verrai tout le paysage alentour.
Ce serait si bon!
Étant enfant, je grimpais sur tout ce que je pouvais et maman devais alors venir me chercher, car rien ne me faisait peur.
En hauteur, je racontais à ma mère tout ce que j’imaginais.
Ces moments avec ma mère étaient si beaux.
Non Jozef, ce voyage ne me fait pas peur.”
“D’où sors-tu toute cette sagesse, Jeanne? Des livres?”
“Pas seulement. Je me sens très attirée par la nature, et comme je te le disais déjà, ma mère m’a beaucoup appris.
Je vais te raconter quelque chose, ainsi tu comprendras pourquoi je ne crains plus la mort.
C’est bien de cela que tu parles, hein, Jozef?”
“Oui, c’est ce que je veux savoir,” lui dis-je.
“Autrefois, lorsque j’étais enfant, je voyais beaucoup de choses. Mais plus je grandissais, moins j’en voyais.
Pourtant, ce que je vais te raconter s’est produit il y a peu de temps.
J’ai eu très peur, parce que c’était si inattendu!
À la maison, on pense que je suis folle et que je souffre d’hallucinations, mais je sais très bien ce que j’ai vu.
Je ne veux pas entendre parler d’hallucinations, je suis beaucoup trop lucide pour cela.
Ceux qui ne croient en rien et qui ne voient rien pensent évidemment que je m’imagine des choses.
Écoute:
une amie à moi est décédée il y a quelque temps.
Cela m’a beaucoup secoué car sa mort a été très brusque. Je lui avais encore parlé quelques jours avant.
Elle s’appelle Greetje, et c’était une grande artiste.
Si je te dis son nom tu sauras tout de suite de qui je parle.
Elle a eu un accident.
Son départ si soudain m’a terriblement bouleversé, si bien que j’ai pleuré des jours entiers.
Je ne pouvais expliquer pourquoi.
Malgré ma croyance en une vie après la mort, je n’arrivais pas à me défaire de cette tristesse.
Nous parlions souvent de spiritisme, car elle possédait un don. Elle voyait clair, même si elle ne voulait rien en savoir, notamment parce que la vie l’occupait trop.
Ma tristesse a duré longtemps.
Parfois, j’éprouvais moins de difficulté, puis la douleur revenait avec autant d’intensité.
J’ai beaucoup prié pour Greetje, sans pour autant que mon état changeât.”
Elle s’interrompit soudain et demanda: “Tu ne la vois pas? J’ai souvent l’impression qu’elle est là.”
“Non, je ne la vois pas, mais je vois quelqu’un d’autre. Je te le dirai après.”
“Elle poursuivit: “Une nuit, j’ai vu Greetje et j’ai eu très peur.
Il était quatre heures du matin lorsque je me suis réveillée.
Je me demandais: “Qu’est-ce que c’est? Qu’est-ce qui se passe? Car je n’avais plus du tout sommeil.”
Il se passait quelque chose d’inhabituel, je le sentais très distinctement.
Je songeais à tout cela lorsque soudain je l’ai vue.
Elle était là, Jozef!” s’exclama-t-elle en pointant du doigt l’endroit où elle était apparue.
“Pile derrière mon lit!”
Quelle horreur, me suis-je dis, et j’ai appelé à l’aide.
Ma sœur, qui dormait dans la chambre à côté, est arrivée en courant en entendant mon appel aux secours.
Elle m’a demandé: “Qu’as-tu? Tu es si pâle!”
Je tremblais de tout mon corps,
puis une fois calmée, je lui ai dit ce que j’avais vu.
Tu sais ce qu’elle a dit?
“Ma petite, tu te fais des idées. Rendors-toi sans crainte, je te couvrirai.”
Mais, je ne me suis pas laissé faire,
et lui ai répondu: “Je n’ai pas rêvé et je suis ultra lucide. Je n’ai jamais été aussi lucide.
Elle était là!”
Mais ma sœur me regardait comme si j’étais Greetje moi-même.
Je ne voulais pas lui faire peur et me suis tue.
Je me disais que je n’arriverais jamais à me rendormir, car je pensais sans cesse à elle.
J’ai dû dormir pourtant car quelques instants plus tard je me suis à nouveau réveillée.
J’ai aussitôt pensé à elle et à ce qui venait de se passer et voilà qu’elle était à nouveau derrière mon lit.
Cette fois-ci je n’ai pas eu peur et je suis restée très calme.
Elle m’a regardé en souriant.
C’était tellement merveilleux! J’étais si heureuse! Un bonheur immense que je ne saurai décrire m’a envahit.
À cet instant même, ma tristesse et ma peur pour la mort ont disparu.
Je me suis frotté les yeux en me demandant: “Est-ce bien toi ou non?”
Mais c’était bien elle!
Elle m’a encore souri et lorsque je l’ai appelée par son nom, elle a disparu.
Je n’y comprenais rien et j’ai longuement réfléchi pour trouver une explication.
Je n’ai plus rien vu ensuite.
Avait-t-elle eu peur et était-ce de ma faute si elle était partie si précipitamment?
N’aurais-je pas dû l’appeler?
Le sais-tu, Jozef?
Peux-tu me donner une explication?
Je me suis demandé pour quelle raison elle s’était montrée si elle devait partir si vite.
Je trouve cela très étrange, parce que j’avais tellement de choses à lui demander.
N’aurais-je pas dû l’appeler par son prénom?”
“Écoute, je vais te l’expliquer,” lui dis-je.
“Ce que tu as vu est très intéressant.
Lorsqu’un esprit se manifeste, il se manifeste en utilisant ses propres forces.
Penses-tu avoir vu Greetje grâce à tes propres forces, autrement dit: grâce au don de la clairvoyance?”
Jeanne réfléchit un instant et dit: “Oui, puisque je l’ai vu.”
“Bon, c’est exactement de cela que je veux parler.
C’est tout le contraire. C’est Greetje qui voulait que tu la voies.
Tu l’as donc vue parce qu’elle le voulait,
autrement tu la verrais constamment, n’est-ce pas?
Possèdes-tu le don de clairvoyance?
En partie, oui, parce que tu es sensitive.
Il n’empêche que tu ne voies rien actuellement, et c’est de cela que je parle.
Le monde spirituel est invisible pour toi, car tu ne possèdes pas la syntonie requise qui comprend également le don de la clairvoyance. Si cela avait été le cas, tu verrais à chaque instant.
Comprends-tu?”
Jeanne réfléchit à nouveau et répondit après un instant: “Non, je ne le comprends pas. Je ne le saisis pas, puisque je l’ai vue.”
“Écoute-moi.
À l’instant où tu as vu Greetje, tu étais connectée avec elle. Vous étiez unies et tu devais ressentir ce que Greetje voulait que tu ressentes. C’est pourquoi elle a pu te réveiller.
Pendant ton sommeil, elle a dû se connecter avec toi, mais lorsque tu t’es frotté les yeux, la connexion a été interrompue, car à ce moment tu es revenue à toi.
Cependant, Greetje a maintenu la connexion.
Sur le plan émotionnel, vous étiez unies et elle pouvait se manifester.
Elle t’a permis d’entrer dans une syntonie spirituelle plus élevée, celle de la clairvoyance.
Dans un tel état on peut uniquement sentir les choses. Dès l’instant où tu as parlé et prononcé son nom, tu es retournée dans tes propres pensées.
Du coup, ta concentration s’est fixée sur ta propre personne et le contact a été rompu, si bien que tu n’as plus rien vu.
Pour quelle autre raison ne l’aurais-tu plus vue?
Si tu étais clairvoyante,
tu la verrais à cet instant même, or tu ne le peux pas.
C’est pourquoi le contraire est vrai,
et c’est toi qui as interrompu le contact avec Greetje.
La plupart des gens pensent dans ce cas qu’ils sont devenus clairvoyants, mais il ne s’agit pas d’un don proprement dit.
C’est toutefois un grand bonheur et une grande joie de pouvoir le vivre, si on sait l’apprécier du moins.
Greetje est sans doute restée encore longtemps sans pouvoir t’atteindre.
Elle ne pouvait t’atteindre que lorsque tu étais inconsciente,
et quand tu as retrouvé un état conscient, il ne lui a plus été possible de t’atteindre.
C’est dans ton sommeil, comme je te le disais déjà, qu’elle a pu s’unir à toi sur le plan émotionnel.
Je vois clair, tout comme tu as vu Greetje, mais en restant conscient.
Je peux voir à tout instant, mais seulement parce que mon maître le veut.
Tu vois, c’est une fois de plus grâce à la connexion.
Lorsque les esprits ont des messages à donner, la volonté vient d’eux.
Je me rends disponible, je reçois et transmets ce qu’ils m’ont dit.
Il est difficile de s’ouvrir de façon claire et nette. C’est mon maître qui me l’a appris.
Lorsque je vois les esprits, j’entre dans leur vie, tout comme Greetje t’a fait entrer dans la sienne, là où elle vit actuellement.
Comprends-tu à présent pourquoi elle n’est pas revenue?”
“Oui, je comprends maintenant, Jozef, c’est très simple en fait.”
“Je connais ma clairvoyance, Jeanne, ainsi que les grades de la clairvoyance.
Il y en a sept, mais on ne peut atteindre le septième sur terre.
Il y a beaucoup de choses à dire là-dessus.”
“Tu me l’as expliqué d’une façon merveilleuse.
Je vois, je sens et j’entends qu’il en est ainsi. Il n’y a pas d’autre explication.
Ces merveilles, tu les vois tout le temps?”
“Oui, Jeanne et je comprends que tu aies eu peur.
J’ai également eu peur la première fois que j’ai vu mon maître, alors qu’il s’agit d’un esprit très élevé.”
“Greetje était belle. Elle était radieuse, mais elle est venue d’une façon si inattendue.”
“La plupart des gens qui ont ce genre d’expériences interrompent aussitôt la connexion, car ils s’efforcent alors de voir encore mieux.
En faisant cet effort, on revient à sa propre syntonie et on interrompt le contact.
Greetje est sans doute restée longtemps pour voir ta réaction.
C’est ainsi que nos bien-aimés nous entourent. Mais l’homme ignore leur présence.
Ils aimeraient tellement raconter leur belle vie, mais ils ne peuvent atteindre l’homme.
Ils sont autour de nous et en nous, et pourtant nous ne les voyons et ne sentons rien.”
“Greetje avait rajeuni et était belle. Je lui aurais donné trente ans quand je l’ai vu.
Si seulement les gens pouvaient voir, ne reste qu’une seconde, ils n’auraient plus peur de la mort.
La vie sur terre changerait parce qu’ils mèneraient une vie meilleure.
Voilà pourquoi je n’ai plus peur.
Est-ce Greetje qui a ôté la peur chez moi?
Savait-elle que j’étais triste et que je pleurais sans cesse?
Peux-tu l’expliquer?
J’aurais tellement aimé entendre sa voix,
mais je remercie Dieu de m’avoir permis de la revoir.”
“Je te l’expliquerai.
C’était donc bien Greetje?”
“Oui, personne d’autre.”
“Elle a dû se connecter avec toi longtemps avant, peut-être bien depuis son accident.
Lorsque nous passons, nous pensons tout d’abord à ceux que nous aimons le plus.
Nous sommes liés par des liens d’amour et c’est dans cette vie que nous apprenons à connaître ces forces spirituelles.
Lorsque Greetje s’est réveillée dans cette autre vie, elle a sans doute senti ta tristesse.
C’est ainsi que tu l’as attiré vers la terre.”
“Moi?”
“Oui, toi.”
“Comment est-ce possible?”
“Tu vois à quel point les pensées peuvent être puissantes, lui dis-je, et tu le vivras à ton tour en entrant dans cette vie.
Tu perturbais son bonheur par ton chagrin et parce que tu étais connectée avec elle.
Ce sont ces facteurs qui freinent tous ceux qui arrivent dans l’au-delà.
Greetje a dû revenir, mais elle a constaté que tu ne la voyais pas. Cependant, elle a voulu transformer ton chagrin en bonheur et a choisi la façon que tu connais désormais.
En se montrant à toi, toute ta tristesse a disparu, et tu es retournée dans ta propre syntonie.”
“Que c’est beau, Jozef.”
“C’est vraiment très intéressant, et ces expériences ont une signification plus profonde.
Tu peux comprendre à présent que des milliers d’esprits sont ainsi attirés par leurs bien-aimés, mais une fois revenus, ils sont dans l’incapacité de les atteindre.
C’est horrible, et cette souffrance est si profonde et si puissante que seul le spiritisme peut le résoudre.
C’est pourquoi le spiritisme est sacré, et ce don de Dieu est une grande grâce pour l’homme.
L’homme terrestre sait si peu de choses à propos de ces lois.
Un seul être était au courant de ta tristesse, et c’est Greetje.
Elle le savait et le sentait parce que tu étais unie avec elle, unie sur le plan affectif.
Si Greetje n’était pas parvenue à t’atteindre, tu serais restée longtemps avec ton chagrin, et la vie serait devenue insupportable.
Ceux qui s’enfoncent dans le chagrin se perdent, ce qui n’est pas la volonté de Dieu, encore moins lorsqu’il s’agit d’une personne qui croit en la vie éternelle.”
“C’est très émouvant de les voir, Jozef.”
“C’est vrai, Jeanne.”
“Tu as beaucoup de chance alors de pouvoir les voir à chaque instant.”
“Oui, et pour rien au monde je ne voudrais me passer de mes dons.”
Soudain, elle me demanda: “Que penses-tu de moi?”
“Ce que je pense de toi?”
“Oui, je veux dire de ma maladie.
Je ne peux pas guérir parce que je sais ce qui ne va pas.
Il n’y a pas de remède pour moi.
N’est-ce pas?”
Elle me fixa du regard et je sentais son envie d’entendre la vérité. J’évitai son regard et fis semblant ne pas entendre.
Pourquoi me demande-t-elle cela tout à coup? me demandai-je.
Cette question était très directe et beaucoup trop radicale dans sa condition.
Je mesurai la situation en un éclair.
Je ne pouvais le lui dire, bien qu’elle sût beaucoup de choses de la vie après la mort et qu’elle fût prête à mourir.
C’est pourquoi je ne répondis pas et continuai à regarder dans la direction où je voyais quelque chose.
“Vois-tu quelque chose?” me demanda-t-elle.
“Oui,” “je vois un esprit, une femme.
Elle est là depuis un bon moment et elle attend d’être connectée. Je l’ai vu dès l’instant où tu as commencé à parler. Je pense que tu la connais car tu lui ressembles.
Je te la décrirai.”
J’eus à peine le temps de lui dire quelques particularités que Jeanne s’écria: “Oh Maman! Êtes-vous ici?
Ma petite maman, c’est bien vous?
Cela ne peut être autrement, c’est ma mère!”
L’esprit me montra alors quelque chose et Jeanne me dit lorsque je le décris: “Voilà, Jozef, regarde, je l’ai.”
Elle me montra un médaillon qui contenait le portrait de sa mère.
“Où est-elle, Jozef?”
Jeanne avait les larmes aux yeux.
“Je sens la présence de ma mère, Jozef, elle est près de moi. Est-ce possible?
Ne dit-elle rien?”
Je vis que l’esprit était bien sa mère. Elle mit ses bras autour de Jeanne et embrassa son enfant.
Jeanne s’écria alors: “Je la sens, Jozef! J’ai la sensation que ses bras sont autour de moi, comme autrefois, lorsqu’elle me faisait un baiser. Je le sens sur ma joue!”
Je tremblais d’émotion.
Jeanne était sensitive au point qu’un grade de plus aurait suffit à la rendre clairvoyante.
Le contact fut interrompu et un bref silence s’ensuivit.
Jeanne sentit le silence de l’esprit monter en elle grâce à la venue de sa mère.
Elle devait assimiler tout cela, mais après quelques instants elle demanda: “Sais-tu quel sentiment j’ai, Jozef, maintenant que ma mère et Greetje viennent me voir?”
“Non,” dis-je, tout en sachant ce qu’elle voulait dire.
“Je vais bientôt partir. Mourir.”
C’est étonnant, pensai-je. Elle me fixa du regard une fois de plus.
Ses paroles étaient si justes. Cependant, je résistai et poursuivis le plus calmement possible:
“Oh, que dire? Cela n’a pas toujours à voir avec la mort.
Imagine que tous ceux qui voient leurs proches décèdent,
ce n’est pas possible tout de même.
Ils viennent souvent dans la sphère terrestre pour y faire du travail.”
En même temps, je me dis que c’était bel et bien pour venir la chercher, parce qu’il lui restait peu de temps.
Jeanne devenait trop sensitive.
Non seulement elle disait la vérité mais elle la portait en elle.
Elle ne fut pas satisfaite de ma réponse et dit: “Ah oui, tu le penses vraiment?
Je deviens tellement sensible ces derniers temps.
Parfois je crois les voir, mais j’ai peur de m’imaginer des choses, ce que je ne veux surtout pas.”
Alcar me fit savoir que je ne devais pas lui dire la vérité et qu’il fallait que je parte.
Aussi, je me préparai à partir.
C’est étonnant quand-même, pensai-je, maintenant qu’elle va bientôt quitter la terre, elle sent le monde spirituel.
Je connaissais toutefois ce phénomène, et j’avais observé les mêmes forces et la même influence chez de nombreuses personnes.
Avant de partir pour leur “grand voyage”, comme le disait si bien Jeanne, les mourants ressentent le monde spirituel et y entrent sur le plan émotionnel.
Il en était de même pour Jeanne.
La sensibilité qu’elle possédait depuis son enfance était devenue consciente.
Son grand courage était admirable, car je n’étais pas habitué à entendre parler les mourants de cette manière.
Elle n’avait pas peur de la mort. Pour elle, la mort était une amie proche.
Un matin, j’entrai chez elle, et elle me demanda aussitôt: “Dis-moi, Jozef, serai-je aussitôt délivrée de mon corps après mon passage?”
“Tu commences déjà à poser des questions?
Commençons par nous dire bonjour, ensuite nous verrons.”
Puis je commençai le traitement.
Une fois terminé, elle reposa la même question: “Alors, qu’en penses-tu? Serai-je détachée de mon corps?
J’ai lu des choses à ce sujet, vois-tu.”
Elle me regarda comme un enfant et sourit.
Une belle question, pensai-je.
Peu de malades demandent une chose pareille, car ils ne veulent pas entendre parler de la mort.
C’est pour cela que j’admirais Jeanne, pour sa capacité à se donner entièrement.
Je répondis: “Oui, tu seras détachée.”
“Comment peux-tu le savoir aussi vite?”
Elle me regardait d’un air étonné et attendait ma réponse.
“Je vais te dire comment je le sais: je le sens et je le vois.
Es-tu contente maintenant?”
“Non, pas encore. Je voudrais savoir pourquoi et à quoi cela tient. Tu vois de quoi je parle?”
“Écoute alors.
Connaissant ton sentiment et voyant ta syntonie spirituelle ainsi que ton rayonnement, je te dis que tu seras détachée de ton corps physique.”
“Comme c’est simple! Je pensais que j’aurais droit à une longue histoire.
Mais je suis contente, parce que j’y ai beaucoup pensé ces derniers jours. Le sujet ne me lâchait pas.
Je me disais: “Imagine une seconde que tu n’es pas délivrée de ton corps matériel!”
Tu peux m’en dire davantage?”
“J’en ai beaucoup parlé dans mon livre.”
Je la regardai pour savoir comment elle réagirait,
mais il n’y eut aucune réaction de sa part, et je me rendis compte qu’elle songeait à plein de choses à la fois:
elle était préoccupée par le grand voyage qu’elle allait faire. “Pourvu que ça aille vite, je voudrais bien partir.”
Elle avait déjà oublié sa première question et éclata de rire.
Jeanne était grande et sa vie émotionnelle était forte.
Elle poursuivit en disant: “Je ne passerai pas par des tunnels obscurs, oh non! Je me vois déjà dans un très beau paysage!
Et j’en serais déjà reconnaissante si je ne souffrais pas trop.”
Tu es un trésor, pensai-je, un vrai trésor.
Il y avait en elle une foi et une conviction profonde,
et je pris la résolution de tout faire pour lui rendre les choses plus supportables.
Soudain, elle me demanda: “Ton livre n’est pas encore sorti?”
“Non, pas encore, mais cela ne saurait tarder.”
“Chouette!” s’exclama-t-elle. “C’est merveilleux, je pourrai le lire alors.
C’est tellement calme ici.”
Pauvre Jeanne, elle ne pourrait le lire,
et cela m’émut profondément.
“Parle-moi de ton livre, veux-tu, Jozef?
Si tu as le temps ce matin bien sûr.”
Je m’étais organisé de façon à pouvoir parler avec elle.
Alcar m’avait dit que ces conversations lui donneraient la force de tout supporter. Elles lui donneraient un soutien dans les heures difficiles à venir et lors de son arrivée dans les sphères.
“Demande-moi ce que tu veux, qu’est-ce que tu aimerais savoir?”
Elle ne réfléchit pas longtemps et demanda promptement: “Si je meurs, est-ce que je verrai aussitôt ma mère et Greetje?”
“Oui, tu les verras,”
“C’est formidable, je serai très heureuse.
Je suis très curieuse de voir à quoi cela ressemble de l’autre côté.
M’attendront-elles?”
Il s’en fallut de peu qu’elle me demandât si elles allaient venir la chercher,
mais je n’eus pas besoin de lui dire grand-chose. C’est elle qui poursuivit:
“Me crois-tu si je te dis que j’ai hâte d’y être?
Qu’est-ce que je possède dans ce monde?
Rien!
Je suis toujours seule avec ma sœur, et avec elle je ne peux parler de rien.
Et cette paix, cette paix formidable dont on parle souvent dans les livres.
Ce silence!
L’as-tu également senti là-haut?
C’est à peine croyable, mais je sens que ça doit être vrai.
Et l’éternité, nous serons unis pour l’éternité, Jozef!
Tu t’imagines?
Tu m’envies, n’est-ce pas?”
Jeanne était un véritable sage. Comme ses pensées allaient loin!
Elle ne cessait de me surprendre.
À vrai dire, oui, je souhaitais mourir,
car la mort est la chose la plus belle que l’on puisse m’offrir sur terre.
Jeanne possédait la même force
sans pour autant avoir été dans les sphères. Elle n’était pas clairvoyante et elle ne possédait pas ce contact puissant, contrairement à moi.
Cependant, je sentais la raison pour laquelle elle était si sûre d’elle.
Au fur et à mesure qu’elle se rapprochait de son voyage et de l’heure du départ, elle devenait de plus en plus sensible.
C’était très naturel et tous les hommes devraient faire comme elle et s’abandonner entièrement, ainsi, la mort cesserait d’être une souffrance et deviendrait un voyage pour l’éternité.
“Quand je pense à tout les câlinoux que maman me fera, Jozef.”
“Comment dis-tu, câlinoux?”
“Faire des câlins,” répéta-t-elle.
“C’est un mot à elle. Beaucoup de gens inventent des paroles tendres.
Dans l’au-delà, j’aimerais habiter près d’une montagne, ainsi, je pourrai grimper tout en haut quand je le voudrai.
Est-ce possible?”
“C’est également possible.
puisque l’homme construit lui-même sa demeure dans les sphères.
Nous commençons déjà sur terre, ceux qui veulent s’enrichir sur le plan spirituel du moins.
D’autres vivent dans l’obscurité et dans le froid parce qu’ils sont pauvres sur le plan spirituel.”
“Je viendrai t’en parler lorsque j’y serai et si on m’accorde le droit de revenir vers toi.
Je prierai pour cela, Jozef, et je sais que je peux t’atteindre. Cela me semble très facile même.
Je te considère comme un vrai frère et c’est grâce à ce sentiment que je pourrai t’atteindre facilement.
J’ai l’impression de te connaître depuis toujours, alors que nous nous connaissons seulement depuis quelques mois.
Tu es si proche de moi et tu es tellement ouvert, Jozef. Tu te donnes comme un enfant alors que tu es mature et adulte.
Oh,” poursuivit-elle, “si seulement je pouvais revenir vers toi pour te raconter mon arrivée et à quoi ressemble ma vie, et celles de ma mère et de Greetje dans l’au-delà. J’ose à peine imaginer ce bonheur.
Oui, je prierai pour cela. Je prierai sans cesse et Dieu exaucera ma prière.
Je prie aussi pour qu’Il me permette de partir bientôt, car ma mère et Greetje commencent à me manquer beaucoup.”
“C’est formidable que tu puisses parler aussi tranquillement de tout cela.”
“Oui, je suis très reconnaissante envers Dieu et je suis très heureuse aussi de t’avoir connu.”
Jeanne était à nouveau absorbée par ses pensées. En la sondant, je vis et sentis qu’elle était sous influence.
“As-tu vu?” demanda-t-elle soudain, comme si elle s’était rendue compte que je la suivais en tout.
“Oui, j’ai vu.”
“Qu’as-tu vu, Jozef?”
“L’éternité.”
“Vraiment, était-ce l’éternité?
J’ai vu un pays différent, très différent de la terre. Puis, une lumière, très forte et puissante
dans laquelle j’ai vu des hommes dans de merveilleux habits. On aurait dit qu’ils planaient.
Tiens, je me suis dit, ce ne sont pas des hommes terrestres. J’ai senti qu’il s’agissait d’esprits.
Mon Dieu, que c’est beau!
Tout ce que l’on peut voir en quelques secondes.
Je l’ai senti comme si j’y étais, comme si je l’avais vécu en personne.
As-tu senti la même chose?
Comment est-ce possible?”
“À ce moment-là tu étais clairvoyante!”
“Je comprends à présent ce que tu m’as expliqué à propos de Greetje.
Je le comprends, je le sens, c’est en moi, profondément enfoui.
Mon voyage, mon grand voyage!”
Elle prononça ces mots calmement, tout en continuant à regarder devant elle.
“Ils sont en train de m’avertir, je le sens, non je le sais.
Ils sont en train de faire mes valises.”
“Mais qu’est-ce que je parle encore, je m’entendais parler toute seule!” s’exclama-t-elle soudain comme si elle se réveillait d’un rêve.
“Qu’est-ce que c’est, Jozef?
Je t’en prie, explique-le moi.”
J’avais été tout ouïe pendant qu’elle parlait, et j’étais en même temps connecté avec Alcar.
Jeanne avait parlé en semi-transe. Elle avait été absorbée par la vie spirituelle tout en étant encore dans son enveloppe matérielle.
De nombreux médiums parlaient de cette façon et je connaissais bien ce phénomène.
“Alors,” dit-elle, “dis quelque chose.”
“J’ai besoin de réfléchir et de me concentrer sur mon maître,” dis-je, ne sachant plus comment lui cacher la vérité.
“Mon maître t’a connecté avec les sphères. Il t’a permis de les voir parce que tu es si courageuse.”
Jeanne était heureuse comme un enfant et s’exclama: “Comme c’est gentil, Jozef!”
C’est adorable de la part de ton maître de m’avoir montré un instant cette immensité.
Je suis très heureuse, tu le lui diras.
Que la mort est belle dans ce cas.
Les hommes devraient être heureux, tu ne penses pas?
L’homme, que veut-il de plus?
N’est-ce pas une grâce de pouvoir quitter cette vallée des larmes?
C’est incroyable, et pourtant je l’ai vu et c’est la vérité.
Beaucoup de gens ont peur mais je veux bien partir.
N’est-ce pas une joie pour toi de pouvoir parler ainsi avec d’autres personnes ou des patients qui ne craignent pas la mort, qui sont prêts à mourir?
Non, je n’ai pas peur.
C’est merveilleux, n’est-ce pas? La mort était au pied de mon lit et me souriait,
et cette même mort me ramène ma mère et Greetje: mon amie et sœur!
Qui aurait encore peur de la mort?
Pas moi. Plus personne ne l’aurait en vivant la même chose.
Pour beaucoup, la mort signifie la perte de leur bien, rien d’autre que du chagrin.
Quant à moi, depuis que je sais, ma vie a changé. Elle a plus de plénitude et je sens la signification de la vie sur terre.
Avant, j’étais comme un mort-vivant.
Spirituellement, j’étais dans un état irréel, et maintenant que ma fin approche, je commence à vivre pour de bon.
C’est ainsi que je vois les choses, que je les ressens, Jozef.”
Je la regardais avec admiration tandis qu’elle parlait ainsi, et Jeanne poursuivit cette conversation profondément humaine.
“La mort en la personne de Greetje est une chérie.
Celle que je connaissais depuis des années, et qui est morte, se trouvait là, jeune et belle, au pied de mon lit.
On aurait même dit qu’elle vivait plus que jamais.
Elle était éveillée, je l’ai bien senti.
Si elle est capable de revenir, j’en ferai autant.
Elle me montrera le chemin et j’apprendrai.
Je te trouverai, Jozef, je reviendrai vers toi!”
en me regardant, tandis que des larmes roulaient sur ses joues.
“Je suis si heureuse, infiniment heureuse d’avoir vu un instant cette immensité qui m’attend.
Comment puis-je remercier Dieu!”
en prenant mes mains et en les serrant chaleureusement.
“Lorsqu’on pense à la mort de cette façon, elle n’a plus rien de terrible.
La mort a rajeuni et s’est embellie, elle me connaît et a ôté toute ma tristesse.
Les gens pensent qu’elle est cruelle et dure parce qu’ils ne la connaissent pas.
Tandis que moi je la connais, et dans très peu de temps, je la connaîtrai dans une beauté différente.
Quelle puissance derrière tout cela, Jozef! Mais le plus beau de tout est de constater que ceux qui sont morts savent plus que nous qui sommes vivant.”
Elle y sera bientôt, pensai-je.
Plus que quelques semaines avant que mon livre sorte.
Il était dit qu’elle ne les lirait plus.
J’étais en train d’y penser lorsqu’elle posa soudain cette question qui me fit sursauter: “Serait-il possible de lire les essais de pression?”
“Les essais?” répétai-je. “Qu’est-ce qui te fais penser à cela?”
“J’étais en train d’y penser.”
Comme elle devenait sensible!
Elle venait de reformuler mes propres pensées.
Elle poursuivit en disant: “Je me disais que si je meurs bientôt, je ne pourrai plus lire ton livre.
Mais peut-être que les imprimeurs ont déjà les essais de pression, comme ça je pourrai les lire.
Ils ne les ont pas terminés encore?”
J’eus besoin de toute ma force pour cacher mon émotion.
Jeanne était devenue sensitive, un médium clairvoyant et clair-entendant.
La mort, le passage vers le monde spirituel, était la force génératrice de ces dons.
La mort l’élevait, parce qu’elle le voulait bien. Ainsi, elle voyait et sentait déjà cette nouvelle vie.
C’était étonnant, et cela voulait dire que sa fin était vraiment très proche.
Les pressions étaient bientôt prêtes à l’imprimerie,
mais il fallait attendre quatorze jours avant qu’elle puisse les lire.
“Non,” lui dis-je, “ils n’ont pas fini.”
“Dommage,” fut le seul mot qu’elle prononça,
comme si elle sentait sa fin approcher.
“Ne vois-tu pas Greetje ou ma petite maman?”
“Non, pour le moment je ne vois rien.”
“Comment font-ils pour revenir vers la terre, Jozef?
Cela va tout seul?”
“Par la force des pensées,” lui dis-je.
“C’est donc en le voulant que nous allons automatiquement vers l’objet de notre désir?”
“Exactement, mais il y a encore des problèmes et des lois que nous devons apprendre en arrivant.”
“Oui, c’est ce que je me suis dit, cela me semblait trop simple.”
Tu es incroyablement perspicace, pensais-je.
“Je le sais ça aussi, Jozef.”
“Ah bon?
Et que sais-tu donc?”
“Comment ils font pour se déplacer.”
“Tiens, tiens, et comment le sais-tu?”
“Un jour je l’ai vécu.
Écoute: lorsque je voulais aller vite, il suffisait de le vouloir pour que sa marche tout seul.
Dans mon rêve, je planais au-dessus de montagnes et de vallées et j’étais consciente de tout.
Était-ce lié au fait que j’aime tant les montagnes?
J’allais aussi vite que le vent.
Est-ce possible?
Me suis-je désincarnée?”
“Oui, c’est possible.”
“Est-ce possible?”
“Il arrive à tout le monde de se désincarner, consciemment ou inconsciemment.”
“J’ai pourtant rêvé, Jozef?”
“C’est ce que tu crois, mais tu étais dans les sphères.
Beaucoup de gens visitent les sphères la nuit,
et on les entend dire le matin qu’ils ont parlé avec des membres de leur famille qui sont pourtant morts depuis longtemps.
Ils se rappellent de tout et parlent de beauté et de bonheur sans pour autant y croire.
La vie terrestre les absorbe ensuite, si bien qu’ils perdent ces forces spirituelles.
Ces rêves sont souvent des “sorties”, mais il y a aussi des rêves liés à nos désirs,
comme toi, lorsque tu dis que tu aimes tant les montagnes.
On peut très bien le vivre psychiquement sans quitter son corps.
Dans ce cas, on fait de grands voyages dans l’esprit tout en restant connecté avec son corps matériel.”
“Je me souviens d’un rêve très beau maintenant, Jozef.
“Une nuit, j’ai rêvé que ma mère me disait d’aller voir un médecin sans trop tarder.
Lorsque je me suis réveillé, j’ai pensé aussitôt à mon rêve
mais je n’y suis pas allée. Je ne le croyais pas car je ne me sentais pas du tout malade.
J’avais pourtant mal, mais je me disais que ce n’était pas la peine d’aller voir un médecin pour ça.
Tu sais quoi? Quelques jours plus tard j’ai eu le même rêve et là, ma mère m’a dit, comme quand elle le faisait lorsqu’elle était encore sur terre: “Ma petite, va chez le médecin, autrement il va falloir t’opérer.”
J’ai eu très peur et je me suis réveillée brusquement.
Je suis allée chez le médecin le même jour
et tu ne devineras jamais ce qu’il m’a dit:
“Vous venez juste à temps, autrement il aurait fallu vous opérer.”
Qu’en penses-tu?”
“C’est formidable Jeanne.”
“Était-ce un rêve, ma mère, ou bien une sortie du corps?”
“C’était ta mère. Elle t’a donné cette vérité spirituelle mais sans qu’il y ait besoin de te désincarner.
Elle ne voulait pas prendre le risque que tu l’oublies à ton réveil le lendemain matin.
Elle a influencé ta conscience et elle a transmis ses connaissances en te parlant sur un plan spirituel.
Tu t’es ensuite réveillée avec la conviction d’avoir eu à faire à ta mère. Tu as senti de la peur sous l’influence de l’esprit de ta mère.
C’est elle qui te l’a fait vivre, exactement comme l’a fait Greetje.
Tu as déjà vécu des choses étonnantes, Jeanne.”
“Oui, c’est vrai.
Maman m’a également averti à d’autres occasions.
Un matin, j’ai voulu ranger mon salon quand j’ai entendu: “Ne rentres pas.”
J’ai été comme paralysée par le timbre de cette voix car j’ai reconnu ma mère.
Malgré mes efforts, je n’arrivais pas à la voir, mais sa voix, je l’aurais reconnue entre mille.
Je me suis demandé alors: “pourquoi ne pas entrer?”
Je pouvais entrer dans la même pièce en passant par un autre petit couloir.
C’est ce que je j’ai fait, et en entrant, j’ai vu tout de suite ce qui n’allait pas.
Au-dessus de la porte se trouvait un tableau très lourd
qui ne tenait plus que sur le dormant de la porte. En entrant par là, je l’aurai reçu sur la tête.
N’est-ce pas merveilleux?”
“On te protège d’une façon remarquable.”
“Je me rappelle à présent à quel moment ces phénomènes se sont produits.
C’était au début de mes problèmes de santé.”
Très bien, pensai-je. La souffrance, le chagrin ou la maladie sont en effet des occasions pour rendre l’homme plus sensible.
“J’ai vécu pas mal de choses, quand j’y pense.
J’ai entendu maman parce qu’elle pouvait m’atteindre, Jozef, autrement je l’aurais sans doute reçu sur la tête, n’est-ce pas?”
“Oui, elle pouvait t’atteindre.
Ta mère a parfaitement réussi à t’influencer.”
“Tu ressembles à un sage avec ta façon de tout expliquer.”
“Et toi, tu es une petite curieuse,” rétorquai-je.
Jeanne rit de bon cœur tandis que je me préparai à partir.
“Tu dois partir, Jozef?
Quel dommage, il faut que j’attende deux jours alors.”
“Oui, je dois partir, d’autres patients ont besoin de moi.”
Ces adieux furent difficiles, Jeanne s’en rendit compte.
Elle me regardait sans rien dire mais je devinais ses pensées, car j’étais en contact avec elle.
Plus un seul mot ne fut prononcé.
Elle était enveloppée par la mort, qu’elle attendait tant,
et nous le sentions tous les deux.
Lors de ma visite suivante, j’ai vu aussitôt en entrant chez elle que sa fin était proche.
La mort, son amie qu’elle ne tarderait pas à connaître, se lisait désormais sur son visage.
Cependant, elle était éveillée psychiquement, et elle commença immédiatement à poser des questions.
“Nous avons parlé de rêves la dernière fois, n’est-ce pas?
Juste avant que tu partes, et je t’ai dit à quel moment ces phénomènes avaient commencé.
Te rappelles-tu?”
J’en conclus qu’elle devait sans cesse penser à toutes ces choses et je lui demandai: “Que veux-tu dire?”
“Je voudrais savoir, comment est-ce possible?”
Ses questions étaient toujours aussi perspicaces, mais mon maître me dit de ne pas la fatiguer et de partir sans tarder.
Elle en savait assez.
“Alors, tu ne dis rien?”
“Tu es trop impatiente Jeanne, j’ai besoin de réfléchir.”
En réalité, j’étais connecté avec mon maître, ce qu’elle ne pouvait ni voir ni sentir.
“Le fait que tu aies beaucoup rêvé vient de ta maladie. Elle rend l’homme plus sensible, mais seulement si celui-ci veux bien apprendre à connaître la vie spirituelle.
Plus l’homme est sensible, plus il arrive à observer et à se concentrer sur la vie spirituelle.
Lorsque nous perdons un être cher, le spiritisme nous parle, alors qu’avant, nous le traitions de bêtise.
Je le vois souvent, très souvent même, lorsque les gens viennent vers moi.
Ils sont alors insatiables à propos de la vie après la mort et veulent tout apprendre.
Dès lors, ils lisent des livres spirituels et cherchent à approfondir le sujet.
Leurs cœurs sont brisés et c’est ainsi qu’on peut les atteindre.
C’est terrible de dire cela, mais plus l’homme reçoit de souffrance, de maladie et de chagrin, plus il devient sensible.
Sens-tu ce que je veux dire?”
“Oui, je comprends.”
“Si seulement l’homme se détachait de ses biens, il vivrait alors en accord avec la volonté de Dieu.
Mais s’il refuse, il sentira de la souffrance et dans la plupart des cas, il se perd.”
“Alors je me félicite, parce que je ne suis pas attachée à la matière.”
Lorsque je vins chez elle la fois d’après, son médecin venait d’évoquer l’éventualité d’une hospitalisation.
Elle avait cessé de parler.
Comme je l’aimais!
Elle était devenue ma sœur.
Je restai un bon moment auprès d’elle et nous ressentîmes tous les deux le silence de l’Esprit.
Elle ne prononçait plus aucune parole mais ses yeux me demandaient de la force.
Sa main dans la mienne, je priais Dieu pour que son départ soit avancé.
Immobile, le visage blanc comme la neige, les premières marques de la mort sur les lèvres, elle regardait dans cette immensité d’où un rayon de lumière l’illuminait.
Elle avait perdu sa vitalité, car sa vie sur terre arrivait à sa fin.
Ce passage était pur: un abandon spirituel envers Celui que nous appelons Dieu.
Entre Vos mains je commande mon esprit!
sont les paroles qui me sont venues alors.
Étaient-ce les siennes?
Y pensait-elle?
La grande énigme était en train de se produire.
Homme, homme de la terre, savez-vous que votre vie est éternelle?
Avez-vous conscience que nous apparaîtrons tous un jour devant le trône sacré de Dieu?
Que nous y serons nus, afin que tout le monde puisse voir qui nous sommes et ce que nous ressentons?
Une enfant de Dieu était sur le point de passer. Elle n’aurait pas à attendre longtemps car ses valises étaient déjà faites.
Jeanne s’était assoupie et je partis discrètement.
“Adieu, fillette, adieu,” murmurai-je, “donne le bonjour à mes amis dans les sphères. Tu verras bientôt ta petite maman, puis Greetje dans le bonheur et dans la beauté éternelle.”
Ma tâche était terminée.
Cependant, sa sœur vint me rendre visite quelques jours plus tard
et me demanda si je pouvais lui rendre visite une dernière fois, car elle me réclamait.
“Volontiers,” répondis-je. “Je viendrai la voir demain.”
“Son état a empiré d’une façon incroyable, vous ne la reconnaîtrez plus.”
Le lendemain, je me rendis chez elle.
Jeanne était désormais inconsciente et ses yeux étaient comme brisés.
J’étais heureux d’avoir pu parler autant avec elle.
Cela la soutiendrait lors de son arrivée dans les sphères.
Elle portait cette sagesse en elle, ce qui lui procurerait une profonde paix dans la vie spirituelle.
Elle vivait déjà dans ce monde inconnu, dans l’esprit, loin de la terre, où vivaient Greetje et sa mère.
Où est-elle maintenant? me demandai-je.
Elle voit et entend peut-être déjà dans le monde spirituel?
Ce doit être une chose merveilleuse de mourir lorsqu’on sait où on va.
La mort avait pris possession de ses yeux. Ils avaient perdu leur éclat. La force qu’ils dégageaient jadis avait disparu dans le néant.
Je me souvins de toutes nos conversations le temps d’un éclair.
Que ces moments avaient été heureux! Comme elle avait été forte et avec quelle audace elle avait parlé de la mort!
Elle n’avait pas versé la moindre larme de tristesse ou de peur.
Jeanne avait une grande personnalité et j’étais heureux d’avoir fait sa connaissance.
Elle serait un bel exemple pour beaucoup de gens. Quant à moi, je ne l’oublierai jamais.
Elle allait planer jusqu’à ces hauteurs, ces hauteurs incommensurables qu’elle aimait tant.
La mort avait rendu son corps méconnaissable, mais en échange, elle lui donnait une enveloppe éternelle qui deviendrait de plus en plus belle.
Elle était là, la bavarde.
Si elle m’entendait, elle en rirait elle-même, pensai-je.
Pour moi et elle il n’y avait pas de tristesse, de souffrance ou de chagrin.
Jeanne se rendait à une fête, et partait pour un voyage merveilleux, tandis que moi, je devais attendre encore.
Comme j’aurais aimé partir avec elle!
Que le bonheur chez ceux qui partaient de cette façon devait être grand!
Je saisis sa petite main qu’elle m’avait tendue avec tant de générosité il y a si peu de temps.
Elle était froide. Jeanne ne tarderait pas à mourir.
Je me concentrai sur elle et sentis qu’elle était profondément endormie.
Je ne pouvais plus la trouver car elle était trop éloignée dans l’esprit.
Sa sœur pleurait. Pour elle, Jeanne était en train de mourir.
Quelle différence entre elles deux sur le plan spirituel!
Malgré le fait qu’elles aient eu la même mère, elles étaient très éloignées l’une de l’autre.
Je vis alors mon maître Alcar à mes côtés.
Je regrettais de ne plus pouvoir lui parler.
Quel dommage, me dis-je, de ne pas être venu plus tôt. Mais je n’avais pas été en mesure de me libérer.
D’autres malades avaient besoin de mon aide.
Toutefois, je n’avais rien à me reprocher, car nous nous étions déjà dit adieu.
J’étais ainsi absorbé par mes propres pensées depuis plusieurs minutes quand Alcar me dit de me concentrer sur lui.
Je fis ce qu’Alcar me demandait, et j’entendis alors: “Je vais te connecter avec elle.”
Au même instant, je fus comme emporté,
mais où?
Je ne savais pas où mon guide spirituel voulait m’emmener.
Je n’y comprenais rien.
A présent je sentais quelque chose de très curieux.
Je savais que je tenais la main de Jeanne et que je me tenais à côté de son lit, en compagnie de sa sœur.
Le silence était tel que l’on aurait entendu voler une mouche,
et en même temps, je m’enfonçais toujours plus profondément, jusqu’à ce que j’arrive dans ce monde où Jeanne était alors.
Je m’approchais d’elle dans l’esprit. C’était extraordinaire, et je n’avais jamais vécu une chose pareille auparavant.
Étais-je en train de m’imaginer des choses?
S’agissait-il d’une hallucination?
J’étais pourtant conscient de ce qui se passait.
Il me sembla sentir Jeanne près de moi, comme lorsque je lui rendais visite.
C’était merveilleux et surnaturel.
J’apprenais à connaître des lois dont je n’avais jamais entendu parler.
C’était très étonnant.
On ignore tout de ces lois sur terre, c’est évident.
Puis j’entendis Alcar dire: “Écoute, mon garçon.
Ceci n’est pas une hallucination, ni le produit de tes pensées ou de ta fantaisie. Je vais te connecter avec Jeanne, afin que tu puisses, écoute-moi bien, que tu puisses lui parler malgré qu’elle soit dans un état inconscient sur terre.”
“Parler, dites-vous?” demandai-je avec stupéfaction.
“Oui, parler, Jozef.
C’est impossible pour l’homme, mais avec mon aide et grâce à notre force, tu pourras parler avec Jeanne dans un instant.
Elle est vivante et elle continuera éternellement à vivre. Aussi, il est possible de lui parler, même si elle est actuellement éloignée de sa conscience terrestre.”
J’en restai bouche bée car tout cela était trop profond pour moi.
“Je pourrais te connecter le temps d’un éclair,” reprit Alcar, “maintenant, mais je voulais que tu vives toutes ces transitions, ainsi que la profondeur de son sommeil.
Son corps spirituel vit désormais dans le monde de l’esprit. Puisque je vis de ce côté et que je connais sa syntonie, je suis en mesure de te connecter.
Je le répète, nous ne pouvons accomplir ce miracle qu’avec l’influence spirituelle, de notre côté.
Ainsi, je veux te démontrer qu’au fond, l’inconscient n’existe pas.
Son inconscience signifie son entrée dans la vie spirituelle.
Le véhicule a quitté le corps matériel et vit désormais de ce côté. Il s’agit du corps psychique.
Jeanne se trouve dans un état qui lui est inconnu, or je vois et connais son état et toutes ces lois.
Bientôt elle verra sa sphère, lorsqu’elle deviendra consciente dans cette vie.”
Comme c’est merveilleux, et trop profond pour un être humain: il ne pourrait pas le comprendre.
“C’est pourtant naturel et c’est la vérité,” dit Alcar.
“Ces lois se trouvent en nous. Nous les portons en nous: ce sont les forces d’amour que nous possédons.”
Je sentis alors un calme bienfaisant monter en moi.
C’était la même paix spirituelle que je sentais dans l’au-delà lorsque je visitais les sphères avec mon guide.
Jeanne était toujours connectée avec son corps matériel.
Lorsque le cordon, que je voyais distinctement comme un fil lumineux et argenté, se briserait, elle mourrait et quitterait son corps matériel. C’était impossible avant cela.
Dès lors, elle serait morte sur terre, et je compris à cet instant la signification de cette grande énigme.
Je sentais un doux désir monter en moi, et lorsque je me concentrai sur Jeanne, je compris que cela venait d’elle.
Elle s’était endormie en pensant à moi.
Cet événement était merveilleux et miraculeux.
Sur terre, ses frères et sœurs ne pouvaient plus l’atteindre.
Qui savait à quoi pensent les mourants?
Il m’était permis de le vivre
et j’apprenais à connaître des miracles spirituels.
La distance qui nous séparait était progressivement soulevée, et je sentais la présence de Jeanne en moi.
Nous étions connectés spirituellement.
Cependant, je ne savais pas si elle me sentait de la même façon.
Puis je me sentis envahi par un grand bonheur.
On aurait dit la levée du soleil ou la résurrection d’un mort, qui revivait désormais sous l’influence des forces spirituelles élevées.
Ces forces venaient d’Alcar, mon guide spirituel.
Jeanne était heureuse, elle sentait ma présence et le miracle eut lieu, le plus grand parmi toutes les expériences que j’avais vécues jusqu’alors.
Dans ce silence insondable, j’entendis Alcar dire: “Attention, Jozef, je vais te connecter.
Tu pourras lui parler.”
Soudain, j’entendis parler à l’intérieur de moi: “Es-tu venu, Jozef?”
C’était la voix enfantine de Jeanne, et j’en fus profondément ému.
Je lui fis signe en disant: “Oui, Jeanne, c’est moi.”
J’avais l’impression que Jeanne me parlait comme derrière une voile. Sa voix, que je ressentais et entendais, était douce.
À ce moment là, Alcar me dit: “C’est la même force que celle qui t’a permis dans le passé de parler lorsque tu étais sorti de ton corps matériel et à une grande distance de lui.”
Je comprenais cela. Je l’avais déjà vécu une fois.
Je pouvais sentir la voix de Jeanne.
Elle parlait comme parlent les esprits entre eux. Elle connaissait et employait désormais ce langage spirituel.
Comme c’est miraculeux, pensai-je.
Je sentis alors Jeanne venir entièrement en moi. Nous étions unis dans l’âme et dans les pensées.
Je la vis devant moi, car le voile que j’avais observé à l’instant s’était levé.
Elle était d’une beauté rayonnante: son corps spirituel subissait déjà des changements.
Jeanne était en train de passer dans la vie spirituelle. Grâce à sa belle vie terrestre et l’amour qu’elle ressentait et portait en elle, son corps spirituel retrouvait le même rayonnement.
Les paroles que j’entendis alors à l’intérieur de moi me coupèrent le souffle:
“Je vais mourir, je suis en train de mourir, Jozef.
Je pars en voyage, mes valises sont faites.”
Oh, mon dieu, qui pourrait croire ce que je suis en train de vivre? me demandai-je.
Je tremblais, non pas parce qu’elle allait partir, mais parce que je l’entendais dire cela elle-même, et qu’elle en avait conscience.
Il n’y avait pas de mots pour exprimer cela.
“Pars,” lui répondis-je, ne sachant quoi dire, “pars, chère Jeanne. Que Dieu t’accompagne pendant ton voyage.
Je ne t’oublierai jamais. Nous sommes devenus frère et sœur.”
Un silence encore plus grand suivit, dans lequel je sentis Jeanne s’éloigner de moi.
Je n’entendis plus rien et je ne la vis plus.
Quelques instants plus tard elle se rapprocha en demandant: “Es-tu toujours là?
Je me suis sentie envahi par le sommeil. Je suis tellement fatiguée, je me suis pourtant réveillée à nouveau.
Sais-tu ce que c’est?”
C’est Jeanne tout crachée, me dis-je. Cette question était si touchante.
Alcar me transmettait tout pour que je le sente et je dis à Jeanne: “Mon maître Alcar m’a fait sentir que nous sommes connectés grâce à sa force.
Lorsqu’il s’est concentré sur autre chose tu es retourné dans ton état précédent.”
Jeanne ne répondit pas, mais quelques instants plus tard elle dit: “Jozef, j’ai vu Greetje et mère, elles viennent me chercher.”
Cela m’étonna tellement que j’en restai bouche bée.
“Pourquoi ne dis-tu rien?” demanda Jeanne.
Ému, je lui dis d’une voix tremblante: “Tu es un miracle, Jeanne.”
“Crois-tu vraiment?
Non, je n’en suis pas un.
Le miracle se trouve là-bas: c’est cette grande lumière.”
Puis elle ajouta encore: “Je dormais,
Jozef, sais-tu qui m’a réveillée?”
“C’est mon maître, Jeanne”.
Alcar me fit alors savoir que je devais retourner dans mon état conscient.
“Nous ne devons pas la fatiguer trop, elle a besoin de ses forces.”
Je fis mes adieux à Jeanne: “Bon voyage, Jeanne”, avant de revenir à moi.
Je sentais toutefois que Jeanne aurait voulu dire quelque chose mais qu’elle ne pouvait plus m’atteindre.
Je me réveillai à côté de son corps matériel.
Tout était exactement comme à l’instant où je l’avais quitté.
En l’espace d’un quart d’heure, j’avais vécu une éternité.
À ce moment-là, un autre miracle se produisit.
Jeanne aurait aimé me dire encore quelques mots, mais j’étais déjà parti.
Sa volonté se manifestait cependant dans son corps
et j’entendis “hic, hic, hic”. J’étais le seul à pouvoir le comprendre.
Sa sœur me raconta alors qu’elle avait eu ce même hoquet la veille et que c’était étrange et désagréable.
Mais pour moi, ce hoquet n’était ni étrange ni désagréable. Il exprimait le désir de Jeanne de pouvoir me parler, à moi et à sa famille.
Quel miracle de voir ses désirs se manifester aussi distinctement dans cette enveloppe matérielle partiellement abandonnée.
Le corps le lui refusait toutefois, car l’esprit avait perdu son pouvoir sur la matière.
C’était facile à comprendre.
Je devais vivre un autre miracle encore,
car mon maître était inépuisable.
“Regarde l’horloge,” dit-il.
Je fis ce que mon maître me demandait et je vis alors les aiguilles s’illuminer et tourner.
Il s’agissait d’une grande horloge électrique, qui se trouvait pile en face de moi et dont les aiguilles indiquaient deux heures moins le quart.
Voilà ce que je pus observer de mes yeux terrestres. Puis je vis dans un état de clairvoyance.
Au moment même où je me demandais ce que tout cela pouvait bien signifier, les aiguilles s’arrêtèrent,
et j’entendis Alcar dire: “Jeanne passera à l’heure que je vais t’indiquer.”
Mon maître ne pouvait être plus clair.
Les aiguilles se remirent à tourner et avancèrent lentement.
À sept heures elles semblèrent s’arrêter, mais il y eut encore du mouvement.
Elles avancèrent avec beaucoup de difficulté, et s’arrêtèrent enfin à huit heures moins le quart. Puis l’image se résorba.
Je compris, et je remerciai mon maître pour tout ce que j’avais reçu et vécu.
Dieu, Mon Père, priai-je en silence, comment puis-je Vous remercier? Je le ferai savoir à l’humanité.
Ce sera ma façon de vous remercier, Père.
Je regardai Jeanne une fois encore, et lui dis adieu avant de sortir.
Ses sœurs m’attendaient depuis un moment.
“Ne pleurez pas,” leur dis-je, “elle est un esprit de lumière.”
Je ne pouvais pas leur dire que je venais de lui parler. Elles ne l’auraient pas supporté.
Je poursuivis cependant: “Vous la voyez mourir et il n’y a rien à faire.
Jeanne le savait depuis longtemps. Je suis gré à Dieu d’avoir fait sa connaissance, car elle a une grande personnalité et elle est partie avec joie.
Lorsque tout sera fini, pourriez-vous me dire si tout s’est déroulé comme suit.
Je dois vous demander de rester ici.
Elle passera ce soir à huit heures moins le quart.
Vous devez le savoir. Avertissez les autres.”
Elles promirent qu’elles n’y manqueraient pas et je leur dis également adieu.
Je rentrai chez moi en réfléchissant.
Qui pourrait me croire?
L’homme rit des lois qu’il ignore et qu’il connaîtra seulement en entrant dans l’au-delà.
Quelle matinée!
Alcar était si puissant.
Qui aurait pu imaginer une chose pareille?
Pour l’être humain, ces lois psychiques étaient d’une profondeur infinie, mais en même temps, elles étaient très naturelles.
Ma vie était riche grâce à tout ce qu’il m’était permis de vivre, et les dons que je recevais de Dieu étaient grands.
L’homme doit accepter ces lois, même s’il ne peut pas les comprendre. On ne peut pas les comprendre, car il faut connaître la vie spirituelle pour cela.
Jeanne m’avait cherché car je lui manquais.
Son hoquet avait été étonnant.
La mort était sinistre et pourtant elle n’était rien d’autre que de l’amour.
Mon livre était prêt et Jeanne allait passer.
Tout avait été vrai.
Les esprits voient tout et savent tout de nous s’ils le veulent.
Une fois rentré à la maison, j’entendis Alcar me dire: “Cela n’était possible que grâce aux forces spirituelles que possédaient Jeanne.
Ceux qui ne possèdent pas cette syntonie ne pourront pas vivre de telles expériences.”
Je compris cela. Même un enfant pouvait le comprendre, pourtant, l’homme le refusait toujours.
La médiumnité est sacrée, car je vivais toutes ces belles choses grâce à elle.
Quatorze jours plus tard, la sœur de Jeanne vint me rendre visite.
Je ne doutais pas une seconde de ce qu’elle allait me dire mais j’étais très curieux de l’apprendre.
“Je suis venue vous dire,” commença-t-elle, “que Jeanne est décédée à huit heures moins le quart.”
Tout a été transmis sans erreur, pensais-je.
“Comment avez-vous pu savoir tout cela avant?”
“Ce n’est pas moi mais les esprits qui voient,” lui répondis-je. “Nous ne sommes que des instruments entre leurs mains.”
“C’est pourtant vous qui l’avez prédit.”
“C’est vrai mais j’insiste sur cela, les gens ne veulent pas l’accepter, et c’est pour moi ce qu’il y a de plus important:
ce sont les esprits, ceux avec qui Jeanne vit actuellement, qui voient.”
“Maintenant nous sommes heureux pour elle.
J’ai beaucoup changé depuis sa mort et j’ai beaucoup appris durant sa maladie.
Elle a été si courageuse. Elle a toujours su tenir bon.
Les derniers jours, elle parlait sans cesse de son voyage. Elle voyait des montagnes et parlait de son amie Greetje.
J’ai commencé à croire qu’il existe des choses qui dépassent notre imagination. Je me suis réveillée.
Avant, j’étais convaincue qu’elle souffrait d’hallucinations, mais maintenant, je sais qu’il n’en est rien.
Ces jours-là je ne quittais pas sa chambre
et elle disait parfois: “Regarde, voilà que notre petite mère est revenue.
Regarde donc, c’est maman!”
“Non mère, elle ne vous voit pas, pas avant longtemps, mais moi je vous vois!”
“Oh, c’est trop pour moi, est-ce que je mérite tout cela?
Greetje, toi aussi?”
Alors je m’éloignais parce que je croyait qu’elle devenait folle,
mais elle ne l’était pas.
Lorsque j’étais seule avec elle, elle me racontait des choses belles
et parlait beaucoup de vous en disant: “Voilà comment Jozef voit habituellement.
Je sais pourquoi je vois:
elles viennent me chercher. Oui, petite sœur, elles viennent me chercher. Je peux partir en voyage. Jozef le sait.”
Elle parlait sans cesse et racontait ce qu’elle voyait autour d’elle.
Je me rappelais qu’elle avait parlé de cette manière dans le passé, mais c’était différent cette fois.
Elle parlait comme parlent les sages. Il faut dire qu’elle avait toujours été la plus sage de nous tous.
Lorsque notre mère est décédée, je m’en rappelle comme si c’était hier, on aurait cru qu’elle n’était pas concernée,
ce que nous lui avons beaucoup reproché.
Elle répondait alors: “Vous l’apprendrez également.
Un jour vous comprendrez qu’il n’y a pas de mort”,
et elle nous parlait de spiritisme.
Elle nous a ouvert les yeux à moi et à ma sœur.
Un matin elle nous a dit: “Regardez ce que maman m’a apporté?”
Comme je ne voyais rien de particulier je lui ai demandé: “Que veux-tu dire, Jeanne?”
“Tu ne le vois donc pas?”
Elle parlait comme une enfant, et j’étais crispée en l’entendant parler ainsi.
Je lui répondais que je ne voyais rien en pensant: “Tu vois, elle devient folle.”
Aussitôt elle a demandé, comme si elle avait intercepté mes pensées: “Tu penses que je suis folle?”
Vous n’imaginez pas à quel point j’ai eu peur.
Elle m’a tiré par le bras et m’a obligé à m’asseoir tout près d’elle.
“Écoute-moi bien,”
puis elle a dit en me fixant du regard d’une façon dont je me souviendrai toute ma vie:
“je vais rejoindre maman.”
Alors je me suis effondrée en sanglots,
“Ne me complique pas la vie dans mes dernières heures. Allons, sois forte.”
Elle était la plus faible et c’est elle qui devait me remonter le moral. Je me sentais en effet brisée.
“Allons, regarde-moi et écoute:
je suis si heureuse de pouvoir partir en voyage.
Jozef le sait et je sais que je ne pourrai pas lire son livre.
Maintenant je comprends ce que maman et Greetje m’ont dit.
Regarde!” Elle pointait la console du doigt. “Il y a des fleurs là-bas, des fleurs spirituelles destinées à moi seule, parce que tu ne peux pas les voir.
Jozef les aurait vues, mais je ne le reverrai plus.
Oh, je l’aime tant.
Tu le remercieras après ma mort, et tu lui diras ce que je ressens pour lui et ce qu’il a été pour moi.”
Je le lui promis et elle ajouta: “Tu promets de ne plus avoir peur et d’arrêter de penser que je deviens folle?
Je ne deviens pas folle, mon enfant.
Je vois enfin clair et c’est grâce à Jozef, c’est lui qui m’a réveillé, grâce à sa force, autrement cela n’aurait pas été possible.
C’est ce que dit mère en tout cas.”
A-t-elle dit vrai? Est-ce possible?”
“Oui, ça existe, mais cela nécessite un don,” lui répondis-je. “Jeanne était très sensitive.”
“Je tiens encore à vous dire que nous aimerions lire votre livre. Celui qu’elle aurait tant aimé lire.
Jeanne m’a donné de l’argent pour l’acheter
en disant: “Pour moi ce livre aurait été comme une petite bible.”
Je fus profondément ému à ces mots.
Je n’avais jamais reçu tant d’amour.
Que Jeanne était grande d’y avoir encore pensé!
“Je recevrai les livres dans une semaine. Si vous revenez à ce moment-là, j’écrirai une dédicace pour Jeanne.”
Nous étions tous les deux très émus. Moi, par l’amour de Jeanne, et elle, par le fait d’avoir enfin appris à connaître sa sœur.
“Je pourrai vous raconter encore tellement de choses mais je n’y arrive plus.
Vous la connaissiez mieux que nous, quant à moi, je l’aimerai davantage.”
La sœur de Jeanne partit et je me rassis pour lui envoyer de nombreuses pensées chaleureuses.
J’avais trouvé en elle une sœur de plus.