Le retour de quelqu’un qui s’était moqué de ce qu’il ne comprenait pas.

Un autre décédé me raconta sa vie dans l’au-delà par le même procédé.
Une conversation que nous avions eue à propos de la vie et de la mort, peu de temps avant son décès, est à l’origine de son retour.
Il s’appelle Gerhard. Je l’avais rencontré par hasard, lorsqu’il était cocher pour une entreprise de pompes funèbres.
Un jour, en quittant le cimetière, je le vis à la sortie. Il venait de mener quelqu’un à sa dernière demeure
et me fit signe, de loin, de m’approcher.
Après avoir discuté de choses quotidiennes et avoir échangé les nouvelles concernant nos familles, il me demanda soudain: “J’ai entendu dire que tu as des pratiques bizarres, c’est vrai?”
Bien que je susse exactement de quoi il voulait parler, je répondis: “Des pratiques bizarres, dis-tu?
Qu’entends-tu par là?”
“Et ben, je veux dire le spiritisme. Tu le pratiques?”
“Est-ce bizarre de le pratiquer?” demandai-je en riant.
“Sais-tu ce que c’est? Ce que signifie le spiritisme?
Tu ne penses tout de même pas qu’il s’agit d’une sorte de sport?”
“Je ne sais pas, on entend dire tellement de choses.
Je ne m’y connais pas et trouve cela ridicule, mais j’ai entendu dire que tu dessines et peins grâce aux morts.”
Je sentais du sarcasme dans ses paroles, mais je ne répondis pas.
“Tu te moques des gens?” demanda-t-il.
“Est-ce que tout ce qu’on raconte est vrai?
Je n’y crois pas
et je vais te dire une bonne chose,” dit-il en me regardant fixement.
Je le sondai et éclatai de rire en mesurant son état d’esprit.
Il me regarda du haut de son siège, enveloppé dans une couverture et poursuivit, le fouet à la main droite: “Pourquoi tu ris?
Tu devines déjà ce que je vais te dire?
Alors c’est vrai qu’il s’agit de charlatanisme?
J’en étais sûr!”
Je ne réagis pas et le laissai parler. C’était si drôle!
“Ce qui est mort est mort,” conclut-il enfin en me perçant du regard.
“Tu connais mon travail. Je côtoie des morts chaque jour, mais il n’y en a pas un qui ouvre sa bouche.
Comment le corps d’un mort pourrait-il parler?
On doit laisser les morts en paix.
Les gens qui pratiquent ces choses là sont fous,” dit-il en faisant “toc toc” sur son front
et en éclatant de rire.
“Les gens ne savent plus s’amuser, ils cherchent n’importe quoi parce qu’ils s’ennuient.
Tu oses encore affirmer que les morts dessinent à travers toi?”
Il riait avec sarcasme et avait le regard plein de pitié pour moi.
“As-tu terminé?”
“Oui, c’est tout.”
“Très bien, alors je vais te répondre.”
Tu n’es pas un mauvais gars, mais tu ignores tout de ces choses. C’est pourquoi tu ferais bien de ne pas t’en moquer.
Tu es le pire des moqueurs et assez bête finalement.
Tu ris de choses que tu ne connais pas et que tu ne comprends pas, sans en mesurer l’origine ni la vérité.
C’est le cas chez beaucoup de gens, et en général, ça ne plaide pas en faveur de leur personnalité.
Je te le demande: est-ce que je ressemble à un fou?
Suis-je différent de celui que j’étais autrefois?
Suis-je un faible d’esprit?
Allez, réponds-moi?”
“Non,” dit-il, “je ne vois rien de particulier chez toi.”
“Alors voilà, je peins et je dessine grâce aux esprits,
grâce à des personnes qui sont mortes sur terre et qui continuent à vivre autrement dit.
Ils reviennent vers moi et me permettent de réaliser les tableaux les plus beaux qui soient.
Tu sais que je n’ai jamais peint de ma vie et que j’en suis incapable.
D’ailleurs, je ne me rends même pas compte de ce que je fais lorsque je reçois ces œuvres.”
“C’est un mystère pour moi,” dit-il, “un grand mystère.
Je crois que tu as quand-même changé.”
“C’est ce que tu penses mais je n’ai en rien changé.
J’en ai juste appris davantage sur ce grand mystère qu’est la “mort”.
Vraiment, Gerhard, tu ne devrais pas te moquer de cela.”
Il n’était toujours pas convaincu et il poursuivit sur le même ton: “Dis-moi franchement: tu crois que c’est la vérité?
Pour moi, ce qui est mort est mort.
Comme s’il n’y avait pas assez de cirque dans le monde. Si tu crois qu’on a besoin de ce remue-ménage.”
“Ce remue-ménage?”
Il sentait parfaitement que je m’énervais. Je lui demandai toutefois: “Aimerais-tu lire quelque chose à ce sujet?”
“Il m’arrive de lire.”
“Dans ce cas, je te conseille de lire des œuvres qui parlent de spiritisme. Il y a beaucoup de livres à ce sujet. Ils te changeront les idées.”
“Tu les as lus, toi aussi?”
“Je n’ai pas beaucoup lu, mais je vois les esprits.”
“Quoi?
Tu les vois?”
“Je les vois et je les entends,” continuai-je calmement.
“Je connais leur vie parce que je la vois et j’entends les esprits lorsqu’ils me parlent.”
C’était trop pour lui.
“Mais tu ne le pratiques pas tout de même?”
“Pratiquer quoi?
Que veux-tu dire?”
“Et bien, faire danser les tables, comme font ces gens.”
“Quels gens?”
“Fais pas semblant de ne pas me comprendre. Tu vois de quoi je parle.”
“Parce que selon toi les esprits ne sont pas des esprits? L’influence n’est pas de l’influence?
Tu n’y comprends rien.
Cette petite table qui te fait tant rire et que tu appelles “remue-ménage” a consolé de nombreux parents en les connectant avec leurs enfants.
Mais les hommes se moquent de ce qu’ils ne connaissent pas.
Peu importe la façon dont un esprit se manifeste, un esprit reste un esprit. Quant à la mort, elle n’existe pas.
Tu dis qu’aucun d’entre eux n’ouvre la bouche et c’est la vérité. Comment peut-il en être autrement?
Ce n’est pas le corps décédé qui parle, mais le corps spirituel, et celui-ci vit éternellement.
Encore une fois, tu n’es pas un homme mauvais et tu es un bon père, mais tu ne devrais pas parler de ces choses tant que tu les ignores.”
“Parce que tu ne fais pas des séances, comme on appelle ça?”
“Du remue-ménage”, dis-je en le fixant du regard à mon tour et en attendant sa réponse.
“Non mais, maintenant je suis sérieux, dit-il. C’est vrai que je ne m’y connais pas.”
“Oui,” répondis-je, pour relancer la conversation. “J’ai vécu maintes choses dans ce domaine.
Tu pourras difficilement le croire mais si cela t’intéresse, passe me voir, ainsi tu verras les tableaux que les esprits ont réalisés à travers moi.”
Il ne réagit pas puis recommença à se moquer en disant: “Si je suis là-haut, je reviendrai te le raconter.”
“Que viendras-tu me raconter?”
“Que je suis en vie, puis je donnerai des coups, comme ça.” Il cogna sur la voiture avec son fouet en criant: “Toc, toc, toc!”, et rit aux éclats.
Je me retenais et il se rendit compte qu’il était allé trop loin.
“Tu es fâché?”
“Non, des gens qui parlent comme toi ne me font rien.”
“Je m’en doute, n’empêche que je trouve ça inquiétant,” dit-il.
“Ah bon, tu trouves ça inquiétant?
Tu sais, Gerhard, ce que je trouve inquiétant, moi?”
“Quoi donc?”
“Tes moqueries à propos des morts.”
“Qui se moque le plus, toi ou moi?”
Il lançait ces paroles comme des coups de fouet. Il ajouta encore: “On voit des nouveaux visages tous les jours mais il n’y en a pas un qui ouvre la bouche!”
“Tu recommences depuis le début?”
Il était impossible de le convaincre.
Je faisais pourtant des efforts et ne voulais pas abandonner si facilement. Je lui dis: “N’oublie pas que si le réveil n’a pas sonné à l’intérieur de toi, tu entreras dans cette autre vie en tant que moqueur.
Cela peut arriver à chaque instant, n’est-ce pas?
En tant qu’êtres humains, nos jours sont comptés et nous nous retrouvons bientôt dans l’éternité, tel que nous sommes, profondément malheureux.
Je pense que tu en auras vite fini de te moquer.”
Il ne dit rien. Il regardait devant lui et se prépara à partir.
“Regarde, mes clients arrivent.
Es-tu fâché?”
Je lui fis signe que non. Il cria encore de loin: “Tiens bon, mon gars, et bonne chance avec les esprits!”
Je ne l’entendis qu’à moitié car d’autres pensées m’occupaient.
Quel moqueur!
C’est ainsi que les gens parlent et rient du spiritisme pourtant sacré.
Ce n’était pas un homme mauvais, mais il ignorait les grandes vérités.
Je ne le connaissais pas sous ce jour là.
Pour lui, la mort était la mort, et il ignorait tout du spiritisme.
Il faut laisser les morts en paix. Toujours cette même rengaine,
je trouvais cela d’un triste!
Et tous les grands savants qui se sont sacrifiés, étaient-ils fous eux aussi?
Je connaissais Gerhard depuis des années, bien que je le visse rarement.
Une conversation intéressante, me dis-je, mais on ne peut pas l’atteindre. Il ne veut pas qu’on l’atteigne.
Il connaît la mort, et pour lui elle sera toujours “mort”.
Il était évident pour lui de penser ainsi, car cela rendait la vie plus facile.
Il était si grand et fort pourtant, mais à quoi ressemble un homme lorsqu’il parle de cette manière,
lorsqu’il rit de ses propres bêtises?
“Personne n’avait encore ouvert la bouche,”
ni en sa présence ni en celle de ces collègues qui pensaient exactement comme lui.
Il côtoyait les morts tous les jours, ils étaient comme des amis pour lui, et comme il les connaissait, il ne les craignait pas.
Ils étaient morts mais il ne connaissait pas la mort, bien qu’il emmenât quotidiennement les restes à leur dernière demeure.
Les os étaient incapables de parler. C’est simple!
L’existence éventuelle d’une autre vie, une vie éternelle, ne leur venait pas à l’esprit.
Tout ce qui a à voir avec le spiritisme et les morts est inquiétant. Le spiritisme est pourtant ce que Dieu nous a donné de plus sacré.
Pauvre spiritisme!
Un jour leurs yeux s’ouvriraient, mais seulement lorsqu’ils seraient dans l’au-delà
où ils verraient, entendraient et sentiraient qu’ils sont toujours en vie.
En attendant, la mort demeurerait une terreur semant souffrance et misère autour d’elle.
La mort aveugle les gens, et ils se rendent au cimetière où, brisés, ils pleurent tout leur saoul.
C’est tout ce qu’ils savent faire, car ils ne veulent rien savoir.
Ils restent sourds, aveugles et insensibles.
La vie, ayant terminé son existence dans le corps physique, retourne dans l’éternité
d’où elle soutient tous ceux qui veulent bien se connecter avec elle.
L’homme devrait être profondément reconnaissant pour tant de beauté.
Le spiritisme n’a rien à voir avec le diable.
C’étaient leurs propres amis et proches qui étaient revenus pour leur dire qu’ils étaient en vie et heureux.
Peut-on donner quelque chose d’encore plus sacré à l’homme?
Le spiritisme, tel que je le connaissais, rayonnait comme un soleil. Il était pur, tout comme la vie éternelle.
Je n’aurais jamais pu imaginer que Gerhard décède aussi vite.
Quatorze jours après notre discussion, la mort était venue le chercher.
Il avait été comme effacé d’un seul coup, éloigné de sa femme et de ses enfants.
Le monstre de la “mort” l’avait fauché à son tour,
et le “moqueur” vivait désormais dans la vie après la mort.
Je fus ébranlé en apprenant la nouvelle.
Que les lois de Dieu sont impénétrables. Nous les connaissons si mal.
L’on aurait dit que quelqu’un l’avait appelé en disant: “Venez donc, mon ami, venez et observez par vous-même, si vous êtes mort ou s’il y a une vie éternelle.
Voyez par vous-même, homme de la terre. Ici, on ne peut pas se cacher. Ici, vous apprendrez à vous connaître.
Voyez et sentez la vie éternelle en vous.”
Je pensai alors à mille choses à la fois.
C’était étrange, mais j’étais content d’avoir pu lui en parler.
Cette conversation simple, insignifiante et pleine de sarcasme lui servirait de repère.
Je pouvais encore entendre les coups de son fouet qui seraient des coups portés à son âme jusqu’à ce qu’il se réveille.
Je savais qu’il était en vie
et m’imaginai sa tête au moment où il s’en rendrait compte lui-même.
Je n’appris que la chose suivante à propos de sa maladie:
il s’était senti mal durant plusieurs jours,
jusqu’à ce qu’un matin sa gorge enfle. Il était décédé le soir même.
Cela n’aurait pas pu être plus rapide.
Il était passé du connu à l’inconnu.
Comment se sentait-il?
Je me dis que je ne tarderais pas à le revoir car il me rendrait sans doute visite, tout comme l’avaient fait le prêtre x, Jeanne, et tous ceux que j’avais connus sur terre.
Aura-t-il toutefois la force requise pour revenir? me demandai-je.
J’en doutais, car il en était encore loin.
Je savais, grâce aux voyages effectués avec mon guide spirituel, qu’il fallait des forces d’amour pour se manifester sur terre,
et Gerhard devait ignorer tout cela.
Cependant, il se souviendrait de notre conversation, car rien de ce que nous vivons sur terre ne se perd lorsque nous entrons dans cette autre vie.
Je priai pour lui, mais il ne vint pas.
Quelques mois plus tard, il sembla avoir été présent lors d’une séance. Le cercle, auquel j’appartenais en tant que médium, reçut un message très bref.
Je regrettai beaucoup d’avoir été retenu précisément ce soir-là par une patiente gravement malade.
Le lendemain, je reçus le dit message:
“Dites à Jozef que c’est moi, il saura qui je suis”, en donnant son nom.”
Je sus que c’était lui, mais trouvai curieux qu’il n’ait pas évoqué notre conversation.
Je le verrai bientôt, me dis-je. Mais je dus attendre une semaine encore avant d’être connecté avec lui lors de la séance suivante.
Comme les membres du cercle étaient tous des intellectuels, aucun d’eux ne connaissait le modeste cocher.
Toute suspicion d’une quelconque influence télépathique fut écartée lorsqu’ils apprirent que je le connaissais.
Cela prouvait qu’il était en vie. Je fus toutefois étonné de devoir patienter aussi longtemps. S’il s’était manifesté chez moi, j’aurais pu le voir.
Mon maître me dit alors de patienter et que l’explication viendrait plus tard.
Je me rendis chez mes amis pour notre séance habituelle.
Nous évoquâmes la dernière séance, notamment la présence du cocher, car ils comprenaient peu ou rien de ce qui s’était passé.
À peine la séance commencée, je revis le cocher.
Il se trouvait près de l’endroit où j’étais assis et je fus très heureux de le voir.
Cependant, je me concentrai uniquement sur mon guide en attendant la suite des événements.
Lorsque je fus enfin connecté avec Gerhard, je lui demandai: “C’est vraiment toi, Gerhard?”
“Oui mon vieux, c’est moi.
Je suis en vie, Jozef. Je vis!”
Je repensai à notre conversation.
Le voici, le moqueur! pensai-je.
Il inclinait la tête et je sentais en lui un respect profond et sacré.
Ces retrouvailles furent humaines et grandioses.
En lui, il y avait du sérieux envers la vie. Il était éveillé et ouvert à tout ce qu’il vivait.
Comme tu as changé, me dis-je.
Gerhard débordait de joie.
“Me sens-tu, Jozef?”
“Oui,” répondis-je.
Je sentis sa main sur mon épaule
et un sentiment d’amour, doux mais intense, me parcourut. Cet amour, qui était donné du plus profond de son cœur, était né chez lui, car il avait appris à connaître la vie.
Il me fit du bien et me remonta le moral. Il me rendit heureux.
Nous ne pûmes parler beaucoup, mais il resta à mes côtés durant toute la soirée.
Nous restâmes connectés sur le plan émotionnel. Je le sentais tout comme il me sentait.
Je pus voir comment il observait tout ce qui se passait avec beaucoup d’intérêt. À ses côtés se tenait un autre esprit qui lui parlait de temps en temps.
Cependant, je n’appris rien à propos de sa vie, et j’espérais qu’il donnerait d’autres messages dans la soirée. Mais celle-ci s’écoula sans que G. parlât.
C’est étrange, pensai-je. Pourquoi ne dit-il rien?
Ne se souvient-il pas de notre conversation?
C’était pourtant impossible puisque rien ne se perdait.
Un peu déçu, je rentrai chez moi.
Je maintenais toujours ma concentration dans l’espoir de le revoir chez moi et de l’entendre parler,
mais il n’en fut rien.
Je demandai alors Alcar pour quelle raison Gerhard n’avait pas parlé, ni à moi, ni avec l’aide de la planchette,
puisqu’il s’était manifesté de cette manière une semaine plus tôt?
Alors pourquoi pas à cette séance-là, ou ici même, dans mon propre environnement?
Alcar répondit: “Trouves-tu cela étrange?”
“Oui, Alcar, je ne comprends pas puisqu’il pouvait me parler?”
“Il aurait bien voulu, mais ce n’était pas possible.
Nos lois ne sont pas terrestres et notre vie est différente de la tienne.
Ce n’est pas encore son heure.
Comprends-moi bien. Il y a de la direction en tout et c’est aussi valable en ce qui le concerne.
Attends donc patiemment. Il reviendra te voir et il te parlera alors de sa vie dans l’au-delà.”
Je l’acceptai, puisque je ne pouvais rien y changer, mais je continuais à trouver cela étrange.
Pendant longtemps, je ne vis rien, et je n’entendis pas Gerhard.
Je priai beaucoup pour lui durant deux années, puis je finis par abandonner.
Rien. Je n’avais plus aucune nouvelle de lui.
C’était incompréhensible. Je n’y trouvais aucune explication.
Si d’autres étaient en mesure de revenir sur terre et de se connecter, pourquoi pas lui?
C’est pourtant si simple!
J’aurais tellement aimé savoir comment il allait et comment il était arrivé là-bas, mais un voile mystérieux enveloppait Gerhard continuellement.
Plusieurs années passèrent
durant lesquelles je ne pensai plus à lui, car je fus préoccupé par d’autres problèmes.
Un après-midi, tandis que j’écrivais le deuxième chapitre de ce livre, l’esprit “Jeanne” s’arrêta pour laisser parler un frère. C’est alors que je revis Gerhard. Il était venu me rendre visite.
“Il m’est permis de te dire que je suis là,” dit-il.
“Me vois-tu, Jozef?
Le maître m’a permis de te dire bonjour et de parler de ma vie après cette sœur.
Le savais-tu?”
“Non,” dis-je, “je ne le savais pas.”
“Dès qu’elle aura terminé, je pourrais commencer.
Je suis tellement heureux, Jozef!
A tout à l’heure!”
Alcar me dit alors: “Tu le savais, car nous te l’avons dit, il y a quelques années. Le moment est enfin arrivé.
Cette direction vient de nous car nous savions que cela arriverait un jour
et ce jour est arrivé.”
Je compris et m’inclinai profondément.
Je l’avais oublié.
Je vis devant moi cette toile spirituelle faite de fils préalablement calculés et tissés dont nous, qui sommes des hommes terrestres, ignorons tout. Cela nous dépasse.
Les esprits voient très, très loin dans le futur s’ils le veulent.
Pour moi ce fut comme une leçon de vie grâce à laquelle j’appris à faire entièrement confiance.
Je sentis un profond respect pour ce grand problème.
Il y a en tout cette direction sacrée.
Ceux qui ont vécus sur terre, et poursuivent désormais leur vie dans l’au-delà, connaissent des secrets et des vérités que les êtres humains ne peuvent voir sans entrer dans cette autre vie.
Dès lors, nous faisons partie de ces secrets
et de ces problèmes, et les miracles cessent, d’exister, car nous apprenons à les connaître telles qu’ils sont: la réalité véritable.
Ceux qui nous ont précédés, vivent dans cette vie puissante qui se trouve derrière le voile. Pour eux, ce voile est levé parce qu’ils ont appris à connaître cette vie et à se connaître.
La vérité m’était révélée et elle signifiait de la sagesse, de la sagesse spirituelle.
C’est pourquoi je m’inclinai et me donnai avec dévouement.
Gerhard m’avait paru très gai.
Il y avait eu du bonheur dans sa voix et elle m’avait fait profondément vibrer.
Jeanne poursuivit donc et finit en peu de temps.
Une fois qu’elle m’eut dit adieu, j’attendis les événements.
Le lendemain, lorsque je m’assis devant ma machine à écrire, je n’eus pas besoin d’attendre longtemps.
Je vis Gerhard aussitôt ce matin-là.
Il prit place à ma droite, tandis que mon maître, qui avait la direction de cet évènement, se trouvait à ma gauche.
Gerhard avait les larmes aux yeux.
Comme il avait changé!
Il était incapable de prononcer un seul mot et je le vis distinctement regarder le ciel comme s’il demandait à Dieu de lui donner la force pour cet événement.
Gerhard devait remplir une partie de ce livre
et j’attendis le moment où il allait parler.
Là où le prêtre x et Jeanne s’étaient trouvés, se tenait à présent le moqueur!
Celui qui avait pensé que tout était absurde.
Je l’entendais encore dire: “Il faut laisser les morts en paix.”
Mais je refusai d’y penser et me rendis totalement disponible pour qu’il puisse m’atteindre.
Je devais recevoir un esprit, un homme qui avait vécu et que j’avais connu sur terre. Je le voyais et le sentais désormais.
Il se tenait à côté de moi, grand, fort, jeune et beau.
Ses yeux brillaient tandis qu’une très belle lumière émanait de lui.
Nous n’étions pas encore connectés, mais je le sentais s’approcher et entrer progressivement en communion avec moi.
Je savais comment cela se passait.
Afin de servir comme médium pour l’écriture automatique, l’esprit avait besoin d’une connexion totale. C’était valable pour ce cas-là, car il existait d’autres possibilités.
Gerhard viendrait en moi et nous serions en communion sur le plan émotionnel.
Après être entré dans sa vie, il pourrait parler.
Ses paroles me traverseraient, puis je les mettrais noir sur blanc.
Intérieurement, je me trouvais chaque fois à l’endroit décrit par lui.
J’allais suivre son récit sur le plan émotionnel et vivre ses peines, sa souffrance, son bonheur et son amour lors de l’écriture.
Je ne pouvais rester longtemps dans cet état sans que cela ne devînt insoutenable.
Cette partie du livre fut terminée en quatorze jours,
pendant lesquels on veilla sur mon bien être.
Émotionnellement, je vécus dans les sphères, mais je dus vivre également mon existence terrestre et me rendre disponible à tous ceux qui avaient besoin de mon aide.
Je vécus une double vie jusqu’à ce que le livre fût terminé.
Je me sentis tout ce temps vide et incapable de penser à des choses terrestres. Une influence intense me saisit donc, si bien que je sentis le silence de la vie spirituelle.
Il ne va pas tarder à commencer, pensai-je. Et j’avais senti juste car aussitôt Gerhard me dit: “Me voici, enfin un peu plus calme!
J’étais nerveux mais uniquement par bonheur.
D’autant plus qu’il me fallait me concentrer sur ma vie terrestre si je veux te donner une image claire de mes expériences. Ce n’est pas facile parce que je déborde.
Je remercie notre Père Tout-puissant de m’offrir et de me donner cette occasion, Jozef.
Moi, le “moqueur”, qui pensais que les os ne pouvaient parler. Seule vérité prononcée par moi durant cette conversation, du reste.
Je ne l’ai pas oubliée, chaque parole se trouve encore en moi.
Je suis heureux aujourd’hui, mon vieux, mais je veux tout d’abord demander ton pardon.
Comme je me suis moqué de toi, ainsi que du don le plus sacré qui a été donné aux hommes!
Je ne croyais pas en une vie éternelle et la mort était pour moi la mort.
J’ai beaucoup souffert, mais à présent tout cela est derrière moi.
J’ai fait un travail si dur sur moi!
Même la pire des labeurs ne m’a pas fait peur dès lors que j’ai su que j’étais mort sur terre.
Je n’ai pas cru en ma mort d’ailleurs, mais j’y reviendrai plus tard.
Je ne suis qu’au tout début de mon voyage éternel, mais je sens déjà des fondations sous mes pieds.
Vraiment, Jozef, je me trouve sur une fondation solide et je ne peux m’y enfoncer.
Ce sur quoi je me trouve est ferme, je l’ai vécu et j’ai du me défaire entièrement de ma personnalité pour cela.
Sens-tu ce que cela signifie de devoir se déconstruire?
Il a fallu que je l’apprenne car j’en étais incapable.
Rien ne m’a été donné.
Donnant donnant, dit-on sur terre, mais c’est ici qu’on se rend vraiment compte du sens de cette vérité.
J’y suis parvenu, mais à quel prix!
Tu sauras tout. Je te raconterai tout, toute ma vie jusqu’au moment présent, le moment le plus beau pour moi depuis tout ce temps.
Que j’ai langui de venir ici et quel chemin j’ai dû parcourir pour y arriver!
Que la vie que je viens de mener a été horrible!
Les gens ne le croiront pas mais on ne nous fait aucun cadeau de ce côté.
On doit tout mériter et payer de son propre sang spirituel. Mais à la fin, il y a du bonheur. On se sent vivant et heureux, et tout est derrière nous, mais pour un moment seulement, parce que nous poursuivons sans cesse notre évolution.
Nous sommes heureux ici car nous comprenons la vie et sommes vivants, tandis qu’autrefois, nous étions des morts-vivants.
Non seulement nous apprenons à comprendre la vie terrestre mais aussi l’immensité de l’univers.
Maintenant, je parle et je pense autrement, tu as dû t’en rendre compte. J’ai changé.
Il s’est passé tellement de choses durant ces années, et j’ai appris à ne plus me moquer des autres.
J’étais bête, très bête,
tout comme ceux qui font comme moi.
C’était moi le fou et non pas toi ou ceux qui reconnaissent et acceptent le spiritisme en tant que religion.
Car celui-ci est sacré, sacré!
Celui qui construit sur cette fondation-là, ne construit pas dans le vide, au contraire, il construit sa demeure éternelle.
C’est seulement ici que j’ai pu le comprendre.
Comment ai-je pu tenir le coup? J’ai dû tout retirer et avaler, chaque mot, si bien que j’ai cru m’étouffer.
Mais je l’ai fait, malgré toute la difficulté.
Notre vie est naturelle. Seule la terre connaît des choses contre-nature, parce que l’homme ignore les forces de la nature qui sont en nous. Il ne les sent pas et refuse de les voir.
C’est cet aspect contre-nature chez moi qui m’a conduit dans un état terrifiant et délirant où j’ai bien cru devenir fou.
Je ne pouvais accepter ce que l’on me disait car il fallait que je perde mon entière personnalité avant.
Cela mettait en cause qui j’étais, ainsi que le salut de mon âme, et lorsque je l’ai enfin compris, j’ai pu l’accepter.
Cela m’a coûté énormément de force et de volonté, car je n’avais aucune connaissance de moi-même.
Tout aurait été différent si j’avais été convaincu d’une vie éternelle, si je l’avais intégré dans ma vie sur terre.
L’homme terrestre n’arrive pas à se faire une image de tout cela, parce qu’il faut le vivre. Il le vivra un jour, mais seulement lorsqu’il sera de notre côté.
Tous ceux qui vivent comme j’ai vécu sur terre ne pourront y échapper.
Ils apprendront. Les moqueurs apprendront à respecter ce dont ils se moquaient.
Je regarde le ciel et demande encore pardon, bien que je l’aie reçu il y a longtemps déjà, car Dieu est amour.
Maintenant, je connais le grand inconnu vers lequel je pointais mon doigt en te provoquant et en riant de toi.
Je préfèrerait ne pas y penser mais qu’est-ce que j’étais bête et petit!
Je l’ai accepté, il y a longtemps maintenant, mais la vie éternelle ne s’acquiert pas facilement.
C’est merveilleux de sentir un sol fait de substance éternelle et de connaître ce monde dans lequel on n’a jamais besoin de se réveiller, où le silence de l’esprit nous chérit comme une mère chérit son enfant.
Où on ne voit qu’une lumière éternelle. On s’y réveille uniquement pour aller dans des sphères encore plus élevées et plus belles qui nous attendent. Elles attendent chaque enfant qui veut bien être un enfant de Dieu.
Ce sont des sphères qui vous sourient et qui vous adoptent: où Dieu veille sur vous pour toujours.
L’amour des sœurs et des frères m’a ouvert les yeux.
Lorsque j’ai appris et vu que la damnation n’existe pas et n’a jamais existé, j’ai plié ma nuque et profondément incliné ma tête devant notre Père.
J’ai été en mesure de le faire dès que j’ai senti que j’étais en vie. Dès lors, j’ai envoyé ma prière intense en direction du ciel et j’ai prié comme se doit de le faire un enfant de Dieu.
Et à présent, il m’est permis, à moi qui riais des morts, de raconter ma vie de ce côté.
Aurais-tu pu imaginer une chose aussi belle?
Moi non, mais comme tu peux le constater, ce miracle va également avoir lieu.
Il y a un grand silence ici, Jozef. Je connais ce silence.
Il vient de l’Esprit, de ceux qui travaillent pour toi et te donnent de la nourriture spirituelle. Ils te protègent et veulent convaincre l’humanité de la vie éternelle.
Ici même, alors que nous sommes dans la sphère terrestre où l’on ne peut trouver la paix, car elle n’y existe pas, je retrouve la paix spirituelle issue de l’esprit, issue d’un être élevé.
Je suis venu vers toi depuis la première sphère. C’est là que je vis pour le moment, pour longtemps encore.
Maintenant nous allons commencer.